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Port-Royal où Louis l’a enfoui, faire éclater à tous les yeux sa splendide beauté, on raconte que je veux qu’il inspire répulsion. Répulsion ? Mais pourquoi ? Dans quel but ?

Il n’est pas exact que j’aie dit que Racine fut un scélérat et un « apache. » Loin de là ! Même j’ai prouvé que Racine n’avait point sur la conscience les crimes dont il fut accusé. Mais… j’ai prévenu les lecteurs que ceux d’entre eux qui voulaient absolument voir en Racine un vertueux feraient bien de ne pas aller plus avant dans ce livre… Seulement, depuis quand les hauts génies de l’humanité sont-ils astreints à nous édifier par leur moralité ? Lamartine a déclaré que le génie tenait lieu de vertu !

Au surplus, voici les dernières pages du livre : cherchez-y l’apache que M. Faguet vous a annoncé.

« En terminant, montrons que ce prodigieux génie, — difficile à pénétrer tant il est loin de notre douce mentalité française, — dirigea sa vie avec un art infini.

« Il a trois adversaires : le public, la Cour, le Roi.

« Le public, c’est Paris, dont le « cerveau a changé depuis Corneille » (J. Lemaître), Paris, assez routinier, délicat, répugnant aux violences ; un sceptique souriant qui, ’ s’amusant de riens bien présentés, a peine à s’éprendre de qualités fortes, même les gouaille s’il les rencontre.

« La Cour, avec ces gentilshommes qui, hier encore, étaient à l’action, est remplie d’êtres sanguins, passionnés pour ce qui touche leur orgueil. Les luttes d’âme d’un être humain ne les intéressent qu’à proportion de son rang.

« Le Roi, c’est lui, lui surtout, qu’il faut gagner. La naissance est beaucoup, la faveur davantage. Elle peut tout. Il faut donc que Racine lance à Paris une œuvre que le Roi voudra connaître, et où, tout de suite, il flairera en l’auteur un complaisant précieux… De plus, le Roi, en littérature, voudrait un genre nouveau qu’on croirait inspiré par lui et différent de celui, démodé déjà, qu’a fait triompher le vieux Corneille.

« Eh bien, pour gagner le monarque, Racine ne fera jamais agir que des personnages du plus haut rang, justifiant ainsi, sans qu’il y paraisse, toutes les fantaisies d’êtres revêtus de la dignité souveraine.

« Pour les grands, il marquera que tout doit plier devant des considérations de rang. Il magnifiera des diamans de sa