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(Mourmelon-Nancy-Moncel-Mézières-Bazeilles-Amiens-Paris) du lieutenant Camerman, sur un biplan H. Farman, démontre non seulement que nos aviateurs militaires valent les civils, mais encore que l’aéroplane est un engin de guerre destiné, tôt ou tard, à supplanter le dirigeable. Arrêtons cette nomenclature, car l’année 1910 possède à son actif des actions d’éclat encore plus éblouissantes que celles que nous venons de rappeler.

Un certain nombre de techniciens avaient estimé jusqu’alors impossible, sauf dans un avenir lointain, très lointain, d’arriver et de voler, avec les appareils actuels, aux environs de 1 500 à 2000 mètres d’altitude. C’était interdire à nos aéroplanes de franchir les cimes élevées, laisser, sur ce point, aux dirigeables une incontestable supériorité. L’expérience devait montrer l’inanité de ces prévisions pessimistes.

Le vol à 1 380 mètres de L. Paulhan, sur son biplan, à Los Angeles (13 janvier 1910), leur avait déjà porté un premier coup. Drexel, sur un monoplan Blériot, en s’élevant à 2 270 mètres le 11 avril suivant, devait les anéantir. Le 3 septembre, Morane, encore sur un Blériot, atteignait 2 547 mètres ; le 1er octobre, Vinjmalen, sur un biplan Farman, le dépassait, atteignait 2 780 mètres, hauteur d’où il était forcé de descendre moteur arrêté, le froid ayant figé son huile et congelé le carburateur. D’autres montaient encore plus haut : le 9 décembre, à Pau, Legagneux, toujours avec un Blériot, arrivait à 3 200 mètres et, enfin, dans cette course vertigineuse in mirandam altitudinem, le malheureux Hoxsey devenait, le 26 décembre, le champion mondial de la hauteur en dépassant, sur son Wright, à Los Angeles, 3 470 mètres d’altitude.

Dès le 23 septembre, d’ailleurs, un raid, le plus éblouissant de l’année, mais tristement terminé, celui de Geo Chavez franchissant les Alpes par-dessus le Simplon, avait démontré l’utilité réelle, incontestable, de tous ces vols en hauteur.

G. Chavez s’était déjà signalé à l’attention publique en battant de 40 mètres, cinq jours après, le record d’altitude détenu momentanément par Morane. Quoique nouveau dans la pratique du vol (ses débuts remontant à quelques mois à peine), le jeune Américain était donc tout indiqué pour cette » course à l’abîme, » provoquée par les organisateurs du circuit de Milan. Fallait-il, dans l’état actuel de nos oiseaux mécaniques, la courir ? Elle a été qualifiée de « défi insensé porté aux