Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/650

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I

Nombre de ceux qui ont assisté, en 1908, aux vols du Mans ont, encore aujourd’hui, une certaine propension à faire dater de cette époque les premiers triomphes du plus lourd que l’air. Rien de plus erroné : les Wright, à Dayton, en 1904-et 1905, avaient tenu l’air pendant 4, puis 38 minutes ; H. Farman, le 6 juillet 1908, s’était propulsé dans l’espace pendant 19 minutes, gagnant ainsi le prix J. Armengaud, et, un peu auparavant, L. Delagrange, à Rome et à Milan, avait réussi des envolées de 15 et 16 minutes. La vérité est que, dans l’automne de l’année 1908, les aviateurs durent baisser pavillon devant l’incomparable supériorité, comme pilotes, des frères Wright et qu’à la fin de cette même année Wilbur Wright détenait, seul, les trois grands records, d’abord de la distance et de la durée (99 kilomètres en 1 h. 34), puis de la hauteur (vol à plus de 100 mètres), et que ces records, au moins pendant les premiers mois de l’année qui suivit, on désespérait, par momens, de les lui ravir.

L’apparition et l’emploi de moteurs donnant le cheval à 3 ou 4 kilogrammes, alors que celui des Wright ne le fournissait qu’à 6 kilogrammes, devait changer et changea rapidement la situation : le 25 juillet 1909, L. Blériot traversait la Manche, ce que, six mois auparavant, les Wright n’auraient pas osé faire et, le 31 décembre, à Mourmelon, H. Farman s’adjugeait le record mondial de la distance et de la durée en couvrant 234 kilomètres environ en 4 h. 17 minutes. Quant au record de la hauteur, il était largement battu, le 18 octobre, par le comte de Lambert qui, huit ans jour pour jour après le raid fameux de Santos-Dumont, monté sur un biplan Wright et partant de Juvisy, arrivait droit sur la tour Eiffel, la dominait d’à peu près 100 mètres, puis, retournant à son point de départ, trouvait le moyen d’atterrir sans le moindre accroc, sans la moindre avarie. Un mois après, d’ailleurs, Latham, sur son monoplan Antoinette, prenant sa revanche de ses insuccès du mois de juillet, battait, à son tour, le record de Lambert en s’élevant à 410 mètres au-dessus du sol (19 novembre 1909), record mondial qu’il devait détenir jusqu’à la fin de l’année.

Enfin, alors que W. Wright, au camp d’Auvours, ne