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signe de dénégation, et un rond, signe de moquerie ; aussi n’a-t-on jamais osé produire ces deux pièces. Personne ne les a vues.


V. — LA VÉRITÉ HISTORIQUE

Après avoir analysé tous les détails de la scène du cimetière Saint-Ouen, nous serions incomplet si, par le récit de la séance de la veille, nous ne montrions dans quel état d’esprit Jehanne arrivait à cette séance publique où elle devait entendre sa condamnation. La maîtrise d’elle-même, le calme si extraordinaire de Jehanne ne peuvent plus surprendre après les déclarations qu’elle avait faites la veille.

Le 23 mai, mercredi de la semaine de la Pentecôte, pour la première fois, les évêques avaient été convoqués. La séance se tint dans une salle voisine de la prison. Cauchon ordonna à Pierre Maurice, docteur en théologie, chanoine de Rouen, d’exposer en français les erreurs condamnées par l’Université de Paris dans les paroles et les actes de l’accusée et de dire après chacun des douze articles le jugement porté par la faculté de théologie. Maurice prononça son factum tout d’un trait, sans qu’on eût permis à Jehanne, si ce n’est à la fin, d’interposer une réponse.

Pierre Maurice, qui avait entendu Jehanne en confession et qui, d’après la déposition de Guillaume de la Chambre, assurait n’avoir jamais entendu ni religieux, ni docteur lui faire confession aussi parfaite, semble avoir eu un sincère désir de la sauver comme le prouve la touchante péroraison de son exhortation. Mais pour lui, être soumis à l’Eglise, c’était manifestement être soumis à l’enseignement de l’Université de Paris, « lumière de toute science, extirpatrice des hérésies. » A tout cet étalage, à tout ce bagage caritatif, Jehanne se contenta de répondre : « Quant à mes dits et à mes fait, ceux que j’ai déclarés au procès, je m’y rapporte et veux les soutenir. » — « Ne pensez-vous pas, ne croyez-vous pas que vous êtes tenue de soumettra vos dits et vos faits à l’Eglise militante, ou à d’autres qu’à Dieu ? » — « Je veux en ce maintenir la manière que j’ai toujours dite et tenue au procès. Si j’étais en jugement, si je voyais le feu allumé, les bourrées flamber, le bourreau prêt à bouter le feu,