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nouvelle que nous apportent les lettres de Jehanne, la fourberie se découvre. Deux témoignages apportés au procès de réhabilitation : celui d’Aymond de Macy et celui de l’huissier Massieu ont contribué à répandre la légende que Jehanne ne savait pas signer. Il nous faut donc les examiner d’une manière toute particulière.


IV. — EXAMEN DES TÉMOIGNAGES

Aymond, seigneur de Macy, était un gentilhomme au service du comte de Ligny, Jean de Luxembourg. Il avait connu Jehanne, lorsqu’elle avait été amenée prisonnière au château de Beaurevoir ; il l’avait revue à la forteresse du Crotoy, puis à Rouen.

Voici d’ailleurs le procès-verbal de sa déposition lors de l’enquête de 1456 : « Sire Aymond, seigneur de Macy, chevalier, âgé de cinquante-six ans environ, a été présenté et admis comme témoin, et a été interrogé par nous, archevêque susdit (de Reims)[1], en présence de frère Thomas Verel (Dominicain sous-inquisiteur), l’année et le jour susdits (7 mai 1456). Interrogé, il a répondu sous la foi du serment de la manière suivante : « Jehanne fut ensuite conduite dans le château de Rouen, et renfermée dans une prison du côté des champs (versus campos). Pendant qu’elle était détenue dans cette même prison, le seigneur comte de Ligny vint à Rouen ; et moi qui vous parle, j’étais en sa compagnie. Un jour, le comte de Ligny voulut voir Jehanne ; il vint vers elle en compagnie des seigneurs comtes de Warwick et de Stafford. Le chancelier d’Angleterre (de la France anglaise), alors évêque de Thérouenne, son frère, était présent ; je l’étais aussi. Le comte de Ligny l’aborda par ces paroles : « Jehanne, je suis venu ici pour vous mettre à rançon, à condition que vous promettrez de ne jamais vous armer contre nous. » Elle répondit : « En nom Dé, vous vous moquez de moi, car je sais bien que vous n’en avez ni le vouloir, ni le pouvoir. » Elle répéta plusieurs fois ces paroles, parce que le seigneur comte persistait dans son dire, et elle ajouta : « Je sais bien que ces Anglais me feront mourir,

  1. Jean Juvénal des Ursins.