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pourra guère être que dans l’intention de se les faire refuser et d’avoir ainsi un prétexte pour donner sa démission. Dans ce cas, que ferait le Roi ? Il se verrait contraint d’appeler M. Balfour au pouvoir. Mais M. Balfour, en présence d’une majorité hostile à la Chambre des Communes, se verrait obligé à son tour de proposer au Roi la dissolution. Trois élections en dix-huit mois, et dans cette troisième élection la Couronne elle-même directement engagée et compromise ! Pour l’honneur des partis politiques anglais, on veut croire que cette seconde solution extrême est encore moins à prévoir que la première et non moins impossible.

Reste l’hypothèse d’une transaction. C’est à une transaction qu’aspire en ce moment l’opinion moyenne de l’Angleterre, celle qui n’est pas engagée à fond dans les luttes de parti. Seuls les extremists, mot nouveau dans la langue et dans la politique anglaise, la redoutent. Tous les gens de sens rassis en sentent la nécessité, et ce n’est pas trop présumer de la sagesse dont cette grande nation a donné tant de preuves d’entretenir l’espérance que cette querelle déplorable, et cependant par certains côtés superficielle, finisse par quelque compromis honorable pour les deux partis.

Quel pourrait être ce compromis ? Le champ des conjectures est ici tellement vaste qu’on ne saurait essayer de le parcourir en entier. A qui voit les choses de loin, il semble qu’il serait facile de modifier le Parliament Bill de façon à le rendre acceptable pour la minorité unioniste. La Chambre des Lords a déjà fait d’importantes concessions puisqu’elle a renoncé au droit de rejeter ou d’amender les Bills financiers et puisqu’elle a accepté de remettre à un Congrès ou au Referendum la solution définitive des questions sur lesquelles les deux Chambres seraient en désaccord. Il semble qu’elle puisse difficilement aller plus loin. Cependant, quelques autres concessions pourraient peut-être lui être encore arrachées. Mais que penserait d’une transaction, quelle qu’elle soit, le groupe irlandais qui paraît ne pas vouloir d’une seconde Chambre, populaire non plus qu’héréditaire, craignant qu’elle ne fasse obstacle au Home Rule ? Or dans les derniers jours de la période électorale, un peu contraint et forcé, et en réponse aux questions dont il était harcelé, M. Asquith a promis le Home Rule, dont il n’avait parlé ni dans sa profession de foi, ni dans ses premiers discours et sans expliquer