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fonds pour la caisse du parti que la dernière campagne électorale avait mise à sec. Accompagné de M. Patrick Ford, qui exerce sur les Irlandais des États-Unis une grande influence, il avait fait, au travers des principales villes, une tournée triomphale où il avait été reçu avec enthousiasme. Son retour se trouva coïncider avec l’ouverture de la crise. Le 12 novembre il débarquait à Queenstown. Ce jour-là même et le lendemain encore à Dublin, il s’adressait à une foule enthousiaste rassemblée devant ses fenêtres, et, dans un langage arrogant, mais qui n’était pas dépourvu d’éloquence, il se vantait du succès obtenu par lui et de la somme d’argent considérable qu’il rapportait. Deux cent mille dollars, déclarait-il, étaient dans sa poche. Aussi annonçait-il que le parti irlandais était prêt pour la lutte électorale, et que jamais la conquête du Home Rule, objet de ses revendications constantes, n’avait été plus certaine. Il ajoutait même ces paroles singulièrement menaçantes : « Je n’appartiens à aucun parti anglais. Mes collègues et moi, nous sommes indépendans de tous les partis anglais, et je vous déclare aujourd’hui que, sans préférence pour aucun d’eux, nous nous rendrons au Parlement avec cet unique dessein : employer toute la force et tout le pouvoir dont nous disposons à arracher aux hommes d’État anglais la reconnaissance de nos droits. »

Ce discours eut en Angleterre un immense retentissement. À partir de ce jour, la presse unioniste ne désigna plus M. Redmond que sous le nom du Dollar dictator, et elle s’appliqua passionnément à mettre en relief tout ce qu’avait d’humiliant pour l’Angleterre en général l’intervention de l’argent étranger dans une question de politique nationale, et pour le ministère en particulier la dépendance où il allait se trouver vis-à-vis du groupe irlandais. Durant toute la période électorale, il n’y eut pas un discours unioniste où il ne fût question de la basse domination exercée par les Irlandais, par les Molly Maguires[1] comme la presse unioniste les appelle avec dédain, sur la politique libérale.

Cependant, des deux côtés, les partis se préparaient activement à la lutte. Deux grandes associations, l’une appelée The Conservative central office, l’autre The liberal central association,

  1. Ce sobriquet est le nom d’une ligue électorale de femmes qui s’était constituée en Irlande, au temps du Fentanism, pour détourner les tenants de payer leurs fermages aux Landlords.