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purement financier, il serait discuté dans une réunion commune (joint sitting) des deux Chambres. » Quant aux projets de loi n’ayant point un caractère financier, « si un différend s’élevait dans deux sessions successives et dans un intervalle de temps de moins d’une année, et si le différend ne pouvait être résolu par aucun autre moyen, il serait réglé dans une réunion commune composée de membres des deux Chambres, à la condition que, si le différend avait trait à une question qui fût de haute gravité et qui n’eût pas été soumise d’une façon suffisamment explicite au jugement du peuple, cette question ne serait pas déférée à une réunion commune, mais soumise à la décision des électeurs par voie de Referendum. »

Les résolutions proposées par lord Lansdowne étaient également d’une singulière hardiesse, car elles s’inspiraient en partie des deux constitutions les plus démocratiques qui soient en Europe. A la constitution française elles empruntaient l’idée du congrès, à la constitution helvétique celle du Referendum. Ce n’est pas la première fois, du reste, que, dans l’histoire parlementaire anglaise, les Tories dament le pion aux Whigs, si on peut employer une expression aussi familière, en fait de hardiesses démocratiques. Mais ces résolutions n’allaient à rien moins qu’à bouleverser dans ses fondemens l’antique Constitution anglaise, en substituant, dans certains cas, au régime représentatif, l’intervention directe du peuple. Aussi donnèrent-elles lieu dans la Chambre des Lords à d’assez vifs débats. Elles furent en particulier vigoureusement attaquées par un des derniers représentans de l’ancien parti Whig, par John Morley, aujourd’hui vicomte Morley, dont la réputation comme homme de lettres égale, si même elle ne dépasse, en France comme en Angleterre, la situation comme homme d’Etat. Mais les trois résolutions, appuyées par les principaux orateurs du parti unioniste, n’en furent pas moins adoptées sans scrutin, dans la séance du 25 novembre. La manœuvre était terminée. Les chefs unionistes avaient réalisé l’opération toujours difficile de changer de front sous le feu de l’ennemi, et, si la tactique n’a pas réussi autant qu’ils l’espéraient, si les esprits qui ne se complaisent point dans l’intransigeance peuvent cependant trouver qu’ils ont été trop loin du premier coup et qu’ils eussent mieux fait de réserver quelques concessions pour une transaction à venir, il faut néanmoins admirer la résolution et la rapidité avec