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Sandringham les principaux chefs des deux partis dans l’espérance d’amener entre eux un accommodement. Il n’y avait pas réussi. Avec plus ou moins de fondement on attribua à son influence le discours, un peu contradictoire avec l’attitude prise par lui à l’origine, où lord Rosebery conseilla aux Lords de voter le budget qu’il avait qualifié de révolution. Depuis les élections et à mesure que le conflit entre les deux Chambres devenait plus aigu, le souci d’Edouard VII allait croissant, car il paraissait évident qu’un jour ou l’autre ce conflit serait porté devant lui. A plusieurs reprises, le premier ministre l’avait donné à entendre. En particulier, dans le discours qu’il avait prononcé le 14 avril à la Chambre des Communes, au cours de la séance où les résolutions annihilant le Veto des Lords avaient été votées, il avait parlé des garanties que le Cabinet aurait à demander à la Couronne pour que « ces résolutions pussent dans l’avenir recevoir leur entier effet » et il avait ajouté : « Si nous ne sommes pas en position d’assurer son effet à notre politique au cours de cette législature, alors ou nous démissionnerons, ou nous recommanderons la dissolution. »

Edouard VII voyait donc s’approcher le moment où il aurait soit à accepter la démission de son ministère, soit à lui accorder ces mystérieuses garanties dont M. Asquith parlait dans un langage un peu sibyllin, et qui ne pouvaient être que la création d’une fournée de quatre à cinq cents pairs, mesure en soi tout à fait exorbitante et, de plus, contraire à tous les précédens anglais. En effet si, en 1832, le roi Guillaume IV s’est résigné à menacer la Chambre des Lords de la création d’une fournée de pairs, pour assurer le vote du Bill de réforme, cette menace n’a pas été réalisée, et encore ne s’agissait-il que de créer quinze pairs. Cette préoccupation a certainement assombri les derniers jours du roi Edouard, car il pouvait craindre de voir une période de troubles et de dissensions intestines succéder aux heureux et brillans débuts de son règne. Il se préoccupait beaucoup de cette perspective lorsque, le 7 mai, il fut enlevé par une mort prématurée.

Ce n’est pas ici le lieu de décrire l’émotion qui s’empara du pays tout entier au lendemain de cette mort ; mais il faut reconnaître que l’Angleterre, à ce moment, présenta un grand et émouvant spectacle. Je ne parle pas seulement des touchantes manifestations du deuil public qui se traduisirent en particulier le