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rendaient pas compte de la situation dans laquelle nous nous serions alors trouvés. Vaincus, que pouvions-nous ? Victorieux, qu’aurions-nous fait ? Aurions-nous recommencé une nouvelle expédition romaine et cherché un nouveau Mentana ? Les catholiques l’eussent exigé, mais l’opinion publique n’aurait permis ni à l’Empereur ni à ses ministres de faire succéder une guerre contre l’Italie à celle contre la Prusse. C’eût été surtout impossible si l’Italie avait été notre alliée. L’Empereur aurait répondu aux catholiques plus énergiquement encore qu’il ne le fit au moment des annexions : « Comment irais-je attaquer ceux qui, il y a quelques jours, versèrent leur sang à côté de mes soldats ? » Le droit pour les Italiens de remplir à Rome la tâche de protéger la papauté, qui nous avait appartenu jusque-là, leur eût été forcément reconnu, et tout ce que l’Empereur aurait pu faire, c’eût été d’obtenir par la persuasion que la solution de d’Azeglio, Rome municipe libre, fût préférée à celle de Garibaldi et de Mazzini, malheureusement adoptée par Cavour, Rome capitale. Le retrait de nos troupes, dans les circonstances où il s’opérait, équivalait donc à l’abandon de ce qui restait du pouvoir temporel.

Et si nous nous y décidâmes, c’est précisément parce que, préférant la patrie à la papauté, nous ne voulûmes point, à l’heure solennelle, la priver de deux alliances qui eussent assuré sa prépondérance. Mais, nous dira-t-on, puisque vous prévoyiez si bien les résultats de l’évacuation, pourquoi tant de façons avec les Italiens et ne leur avoir pas accordé de bonne grâce l’inévitable, de manière à s’assurer tout de suite le secours de leur reconnaissance ? D’abord, parce que la majorité d’entre nous considéraient cet inévitable comme un mal et croyaient de leur devoir de lutter jusqu’au bout pour l’éviter. Ensuite, parce qu’il y a une grande différence entre subir ce que l’on voudrait empêcher ou y consentir, et, à plus forte raison, y contribuer.

Jules Favre avait constamment réclamé 1 évacuation du territoire romain. Lorsqu’il devint maître des affaires, les Italiens lui demandèrent, le 6 septembre, l’autorisation qu’ils n’avaient pu obtenir de nous. Il la leur refusa et répondit qu’il ne voulait pas affliger un vénérable vieillard, douloureusement frappé et qui souffrirait d’une démonstration inutile d’abandon, ni contrister ceux de ses compatriotes catholiques que les malheurs de la Papauté consternaient. « Je crois, comme vous, que