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Vimercati et je n’ai rien cédé de ce qui avait été convenu entre nous. » Le même jour, Vimercati repartit pour Florence et Gramont instruisit La Tour d’Auvergne des résolutions de l’Empereur. Beust, sans se préoccuper de la manière dont le roi d’Italie s’accommoderait du rejet de l’article 7, se plaça au point de vue uniquement autrichien et repoussa les modifications aux articles 3 et 5. Il ne voulut pas engager l’Autriche à sortir « immédiatement » de sa neutralité ni accepter une correction qui pouvait l’engager dans une alliance offensive, et il maintint le quand cela se pourra. Dès lors le traité n’avait plus aucune valeur et l’on peut dire qu’il avait été tué à Vienne avant que le roi d’Italie se fût prononcé. La Tour d’Auvergne, perspicace, devina la pensée intime que Beust avait confiée à Gramont : « La victoire sera le principal élément du succès de ma mission. » (5 août.)

Dès son arrivée à Florence, Vitzthum vit le Roi (31 juillet). Celui-ci attendait ce que Vimercati lui manderait de Metz et il ne le reçut que pour la forme, lui dit quelques banalités. Il le congédia en l’assurant qu’il le rappellerait si des événemens imprévus permettaient de nouvelles décisions. À ce moment, il y eut un grand émoi dans l’opinion italienne, parce qu’on crut que le Roi prenait décidément son parti, renvoyait son ministère et le remplaçait par un autre décidé à se lancer dans notre alliance. Une sortie de Cialdini au Sénat contre le Cabinet fit naître cette supposition. On crut que derrière Cialdini était Victor-Emmanuel, entraîné par son désir chevaleresque de venir en aide à la France. Le Roi n’indiqua point que telle fût la signification des paroles du général. Il continua à hésiter, à vouloir, à ne vouloir pas et à attendre, lui aussi, de quel côté serait la victoire. Loin de renvoyer son ministère, il lui donna une preuve de confiance en l’introduisant dans la négociation toute personnelle dont il l’avait, jusque-là, tenu éloigné. Il le chargea de débattre, avec Vitzthum, le traité en huit articles Les ministres ne se méprirent pas sur la signification du projet, à la discussion duquel le Roi les conviait ; ils devinèrent qu’il avait pour objet principal, en liant l’Autriche séparément avec l’Italie, de gagner du temps et de faire partager au Cabinet de Florence la responsabilité de ses propres hésitations. Visconti-Venosta le confesse avec sa précision habituelle à Arese, son ami et celui de l’Empereur : « L’Autriche a refusé de faire un