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qu’il sera prêt, il se découvrira, soyez-en sûr. » Metternich, notre ami sincère, secondait de très bonne foi ce jeu dilatoire imité de la méthode bismarckienne. Sollicitant un jour de Le Bœuf la libération d’un huissier de l’ambassade, il lui écrivait : « Il m’est pénible d’avoir à vous demander de laisser cet homme à son père. Je ne serai heureux qu’après vous avoir fourni un bon contingent de 300 000 hommes. »


V

La prépondérance d’Andrassy en Autriche amena en Italie celle de Sella, aussi opposé que le ministre hongrois à toute alliance avec la France. Visconti avait différé de se ranger à la neutralité tant qu’il n’avait pas été instruit des dispositions de l’Autriche. Dès que la neutralité autrichienne eut été proclamée, il se rangea à l’avis de Sella et de Lanza et le Conseil divisé redevint unanime en faveur de la neutralité italienne. L’opposition de Victor-Emmanuel en retarda cependant un peu la proclamation. Il essaya de ramener Sella, et leurs discussions devenaient quelquefois de violentes altercations. Un jour, le Roi dit : « Je comprends que, pour faire la guerre, il faut du courage. » Sella répondit : « Pour résister à Votre Majesté, il faut plus de courage que pour faire la guerre. » Alors le Roi dédaigneux : « On voit bien que vous descendez d’un marchand de drap. — Oui, certes, riposte Sella, de marchands de drap qui ont toujours fait honneur à leur signature, tandis que Votre Majesté signerait une lettre de change qu’elle n’est pas sûre de payer. » Une opposition organisée de longue date par la prévoyance de Bismarck secondait les résistances de Sella. Garibaldi terminait une lettre contre l’Imperatore-Menzogna, en déclarant que « pas un Italien ne se souillerait au service de ce scélérat. » Des Garibaldiens s’enrôlèrent en effet dans l’armée prussienne, aucun dans l’armée française. Un comité occulte convoquait à une manifestation contre la France, en disant dans une proclamation : « La Prusse nous a donné le quadrilatère, grâce à la bataille de Sadowa ; la Prusse garantit notre indépendance ; la Prusse n’a jamais offensé la dignité italienne. Les Italiens ne doivent avoir qu’un seul cri : Neutralité ! Rome ! Que tous ceux qui sentent dans leur cœur l’offense du jamais, et qui ont encore le sentiment de la dignité