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Dans sa proclamation de neutralité du 18 juillet le Tsar dit en termes généraux : « Le concours le plus actif du Cabinet impérial demeure acquis à toute tentative faite pour restreindre les opérations de la guerre, en abréger la durée et rendre à l’Europe les bienfaits de la paix. » Mais il se chargea de faire lui-même un commentaire spécial de cette déclaration générale à chacune des parties intéressées. Il dit à Fleury qu’il n’élevait aucune objection contre l’alliance italienne, « trouvant naturel que les armées de l’Italie prissent, pour venir en aide à la France, ce même chemin des Alpes que la France avait pris pour aller au secours de l’Italie. » Mais cette concession n’était guère compromettante, car il affirmait en même temps qu’il s’opposerait par les armes à toute alliance de l’Autriche avec la France et il n’ignorait pas que l’Italie avait subordonné sa coopération à celle de l’Autriche.

Le chargé d’affaires de Russie à Paris, Okounief, instruisit en même temps Gramont des résolutions du Tsar : « Si l’Autriche, dit-il, fait des préparatifs, la Russie commence les siens. On fera à Pétersbourg tout ce qui se fera à Vienne. Si la cavalerie austro-hongroise est placée sur le pied de guerre, il en sera de même de la cavalerie russe ; si l’artillerie est montée pour la guerre, l’artillerie russe le sera de la même manière : en un mot, si l’Autriche se place sur le pied d’une neutralité armée, la Russie en fera autant, et enfin si l’Autriche entre en campagne, comme alliée de la France contre la Prusse, la Russie entrera en campagne comme alliée de la Prusse contre l’Autriche. L’avantage du gouvernement français est de renoncer à tout concours de l’Autriche, et d’user de son influence à Vienne pour y faire cesser les armemens et préparatifs de guerre. La Russie promet en échange une neutralité rigoureuse. » La France ainsi avertie, le Tsar s’empressa de mettre l’Autriche sur ses gardes.

Il manda l’ambassadeur autrichien Chotek et lui dit : « Je désire rester complètement en dehors de la guerre qui s’engage ; je veux observer une stricte neutralité non armée. Je resterai ainsi tant qu’un intérêt direct de la Russie ne sera pas couché. J’appelle un intérêt direct la question de Pologne sur laquelle je ne puis transiger. Du moment que vous prendriez une position armée et menaçante, elle se soulèverait, et, quoique bien à contre-cœur, je devrais transformer mon