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concours de l’Angleterre et de la Russie, comme la Russie a toujours eu le nôtre, et comme l’Angleterre l’aura toujours.

Tout ce qui précède repose sur des données assez précises. L’entrevue et les entretiens de Potsdam sont des faits concrets ; nous n’en connaissons pas tous les détails, mais le discours du chancelier allemand nous en a révélé quelques-uns et le projet d’arrangement de la Russie et de l’Allemagne quelques autres. Nous négligeons davantage les renseignemens plus confus et parfois trompeurs des journaux. Quelques-uns cependant méritent un peu plus d’attention : s’ils n’atteignent pas la vérité, ils passent tout à côté, ce qui est déjà quelque chose, et ils peuvent donner sur l’état des esprits des indications utiles. Après le discours de M. de Bethmann-Hollweg et avant la note du Novoïé Vremia, un rapprochement de la Russie et de l’Autriche a paru devoir être la conséquence naturelle de celui de la Russie et de l’Allemagne. Il a même été question de lui donner un singulier caractère d’intimité : pendant quelques jours, les journaux étaient pleins de projets de chasses qui devaient réunir à Skierniewice, dans la Pologne russe, les principaux représentans de la cour de Russie et de la cour d’Autriche, des grands-ducs et des archiducs, y compris l’archiduc héritier François-Ferdinand. On aurait tué beaucoup de gros gibier ensemble, et rien, comme on sait, ne rapproche davantage les nations et leurs gouvernemens. Mais il fallait un premier holocauste, celui du comte d’Æhrenthal, du ministre hardi qui, par l’annexion des deux provinces turques, a troublé toute l’Europe et provoqué le vif mécontentement de la Russie. On demandait à l’Autriche le sacrifice de l’homme qui l’avait agrandie. On affirmait d’ailleurs que son départ serait vu d’un bon œil à Berlin, non pas seulement parce qu’on y désirait beaucoup la complète réconciliation de la Russie et de l’Autriche, mais encore parce que les allures indépendantes du comte d’Æhrenthal y déplaisaient. Cela est vrai au moins d’une partie de l’opinion allemande, si on en juge par un article des Hamburger Nachrichten, écrit avec la franchise d’un enfant terrible. « Jusqu’à présent, y lisons-nous, c’est nous qui avons fait les frais de la politique du comte d’Æhrenthal sans en tirer aucun profit. Nous sommes sans doute des partisans sincères de l’alliance avec l’Autriche ; mais nous sommes d’abord Allemands, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas désirer que l’Autriche entreprenne une politique étrangère plus active et augmente son prestige international, ce qui ne peut s’effectuer qu’aux dépens de la situation de l’Allemagne comme puissance directrice de la Triplice. Nos intérêts seraient mieux