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n’avaient pas réussi à la satisfaire. Et je voudrais maintenant résumer, en deux mots, le contenu principal de ces fameuses lettres, sûrement destinées ; à grandir encore en popularité, sous la forme définitive que ; vient de leur restituer l’érudit allemand.


« D’une façon générale, — écrivait Guillaume de Humboldt, le 2 août 1832, — je suis très ennemi de toute publication de correspondances privées. Celles-ci portent toujours l’empreinte de leur temps, des circonstances au milieu desquelles vivaient leurs auteurs ; et chaque année qui s’écoule entre leur date et celle où nous les lisons nous rend plus malaisé d’en comprendre le sens, la portée véritables. » Oui, je crois bien que, sur ce point-là comme presque toujours, le grand esprit que nous révèlent ces Lettres à une Amie avait raison contre son temps et le nôtre. Jusque dans ces Lettres, on l’a vu, un problème psychologique se découvre à nous, rendu à peu près insoluble par l’écoulement des années, et qui sans doute aurait semblé étrangement indiscret au vénérable protecteur et confident de Charlotte Diede, s’il avait pu prévoir qu’un jour viendrait où nous nous aviserions de discuter la nature de ses sentimens intimes à l’égard de son « amie. » La noble colère qu’il aurait éprouvée de notre impertinence l’aurait même empêché d’être sensible au surcroît de gloire qu’allait lui apporter la publication de ces lettres, qui seules, aujourd’hui, le maintiennent vivant dans la mémoire et le cœur de ses compatriotes. Mais peut-être, avec tout cela, entre toutes les correspondances intimes que l’on a cru devoir divulguer à notre intention, peut-être n’en existe-t-il pas dont une aussi grosse part se trouve, pour ainsi, dire, conçue « sous la catégorie de l’éternité. » Sans avoir d’autre objet que d’instruire, de divertir, de réconforter la pauvre femme à laquelle rattachait un lien mystérieux, l’un des plus grands hommes d’État de l’Europe moderne, et doublé encore d’un poète et d’un philosophe, a recueilli et nous a légué, dans ces lettres, tout le fruit de sa longue expérience des hommes et des choses.

Je m’étais attendu d’abord, en ouvrant les volumes publiés par M. Leitzmann, à y rencontrer un peu le pendant des Lettres à une Inconnue de notre Mérimée ; mais non, ni ce livre délicieux, ni aucun autre recueil de lettres que nous possédions ne sauraient être comparés aux lettres de Humboldt pour l’abondance, à la fois, et l’éminente portée générale des sujets traités. Portraits de contemporains célèbres, souvenirs et confidences anecdotiques, paysages, dont quelques-uns égalent en vérité pittoresque les plus belles peintures de Gœthe ou de