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La situation financière et budgétaire de la Turquie, sans être grave, n’est pas brillante ; M. Francis Charmes l’a trop bien montré dans sa Chronique du 1er octobre pour que j’aie besoin d’y insister ici. La Dette est énorme (deux milliards et demi), le budget peu élevé (moins de 800 millions), le déficit annuel très gros (plus de 200 millions). Sous l’ancien régime, jusqu’à l’établissement du service de la Dette, confié à des Européens, le système financier de la Turquie était très simple : elle comblait les déficits du budget, — qui d’ailleurs n’était pas un budget au sens occidental du mot, — au moyen d’emprunts ; elle payait tant bien que mal ses créanciers étrangers, mais, à l’intérieur, le Sultan faisait de l’insolvabilité un système de gouvernement : le padischah ne doit rien à ses sujets. Depuis l’établissement de la Dette, la Turquie faisait des emprunts sur gages, elle aliénait entre les mains de ses créanciers telle ou telle part de ses revenus et la Dette, après avoir assuré le service des intérêts et des amortissemens, versait au Trésor un excédent qui, grâce à son excellente gestion, allait toujours en augmentant. La Jeune-Turquie, et c’est son honneur, veut avoir des finances nettes et faire face à tous ses engagemens. La première fois qu’elle eut recours au crédit, peu de jours après la révolution, la France, l’Allemagne et l’Angleterre s’entendirent pour mettre à sa disposition 200 millions sans gage spécial et sans l’intermédiaire de la Dette. Lorsqu’il y a quelques mois le gouvernement ottoman annonça l’intention de conclure un emprunt de 150 millions, il s’adressa à la Banque Ottomane ; celle-ci lui fit remarquer qu’une conversation préalable avec le gouvernement français, maître d’accorder ou de refuser l’admission à la cote de la Bourse de Paris, était indispensable. Djavid bey se résigna à entamer une négociation avec les ministres compétens qui demandèrent d’abord certaines garanties de gestion ; ces garanties, on pouvait les trouver facilement ; il suffisait de faire voter un projet de loi, sorti de la collaboration te M. Laurent et de Djavid bey, qui instituait une Cour des Comptes et confiait toutes les opérations de Trésorerie à la Banque Ottomane qui, déjà, durant l’ère des « réformes, » avait assumé à la satisfaction générale cette lourde et onéreuse responsabilité en Macédoine. Le gouvernement français, en posant cette condition, songeait au passé et à l’avenir : au passé, c’est-à-dire à la dette consolidée dont il était impossible