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gâtées ; c’est une remarque qu’en Turquie on est obligé de faire à chaque pas. Il y a quelques mois, le patriarcat et l’exarchat ont été avisés que, à partir de la présente année scolaire, aucun étranger ne pourrait plus enseigner dans les écoles des communautés chrétiennes. Une exception a été admise pour les Européens occidentaux, mais Bulgares, Serbes et Grecs restent exclus. Certes, cette décision n’a rien en soi d’illégitime et personne n’ignore que ces instituteurs étaient en même temps les plus actifs agens des propagandes nationales ; mais la soudaineté de la mesure a désorganisé un enseignement dont il n’est pas juste de priver les populations, et que les Turcs seront longtemps encore hors d’état de remplacer. D’ailleurs, l’administration ne cache pas son but : affaiblir et ruiner le sentiment national chez les populations non turques. Chaque fois qu’on peut trouver un prétexte, souvent même sans prétexte, les écoles sont fermées, les professeurs arrêtés sous l’inculpation vague d’accointances avec les bandes et les comités bulgares ; une fois fermées, les écoles ne se rouvrent plus. Dans le nord du vilayet de Kossovo, en Vieille-Serbie, presque toutes les écoles serbes sont fermées.

Quant aux écoles créées et subventionnées par les puissances occidentales, qu’elles soient religieuses ou laïques, le désir du gouvernement ottoman est de les soumettre à une inspection faite par un délégué du ministère de l’Instruction publique ottoman. La mesure n’a rien de vexatoire en elle-même, mais on jugera peut-être qu’elle serait, pour le moment, prématurée et qu’elle ne paraîtrait pas exempte d’injustes suspicions à l’endroit d’un enseignement auquel les Ottomans de toute religion et de toute race, les Jeunes-Turcs en particulier, ont tant d’obligations. Avant d’inspecter les vieilles écoles européennes, qui ont fait leurs preuves de capacité et de loyalisme, il conviendrait à l’administration ottomane de l’Instruction publique de faire elle-même certains progrès indispensables. Selon un joli mot du baron de Marschall, « les Jeunes-Turcs font souvent le second pas avant le premier. » Dans leurs rapports avec les autorités, il arrive aujourd’hui, plus souvent qu’autrefois, aux directeurs d’écoles européennes de rencontrer des traces de mauvaise volonté, des exigences injustifiées. Ainsi se marque, là comme ailleurs, là plus injustement peut-être qu’ailleurs, cette défiance envers l’étranger à laquelle se laissent entraîner certains