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maladies ; l’été dernier, deux bataillons, en garnison à Kotchana, ont perdu 70 pour 100 de leur effectif. Pour la santé et la prospérité du pays, des travaux considérables sont indispensables ; les Jeunes-Turcs le comprennent, puisqu’ils viennent d’adjuger la construction, sous la direction d’ingénieurs européens, parmi lesquels beaucoup de Français, de 30 000 kilomètres de routes. Chemins de fer, routes, drainage, irrigation, le programme d’avenir de la Turquie tient dans ces quatre mots ; par là naîtra la prospérité et, avec elle, viendra l’équilibre financier, la pacification des esprits et le ralliement des cœurs. Pour mener à bien une telle œuvre, le concours des capitaux et des techniciens étrangers est nécessaire ; ni les uns ni les autres ne feront définit à des entreprises productives et régénératrices.

Le commerce a ressenti les effets bien faisans de la révolution ; il a pris un essor encore timide, mais qui est l’indice du grand développement économique qui enrichira le pays dès que la sécurité et les moyens de transport y seront assurés. Les recettes du chemin de fer Salonique-Constantinople se sont élevées, de 1907 à 1909, de 2 400 000 francs à 3 153 000 francs. Mais le nouveau régime ne pouvait rien changer à l’esprit, ni aux habitudes de la masse populaire ; dans les villes, elle reste peu laborieuse et peu scrupuleuse. Dans certains grands centres, comme Salonique, les ouvriers ont entendu parler, par des émigrés revenus d’Amérique, des merveilleux salaires de là-bas, et, pour un travail médiocre en quantité et en qualité, ils exigent des payes exagérées ; ils ont appris quelques bribes d’un socialisme simpliste, et l’organisation du boycottage des produits autrichiens d’abord, grecs ensuite, leur a révélé leur puissance ; grèves et sabotage ont fait leur apparition en Turquie.

L’accroissement des affaires, si peu accentué qu’il ait été jusqu’ici, a déjà produit une heureuse répercussion sur la rentrée des impôts ; les deux dernières années accusent une plus-value, au moins dans les services contrôlés par la Dette ; elle est loin encore de permettre l’équilibre du budget, mais elle atténue l’importance du déficit. En Macédoine jusqu’à la révolution de 1908, et, depuis lors, dans tout l’Empire, les Turcs, assistés de conseillers européens, ont travaillé non sans succès à mettre de l’ordre et de la régularité dans leurs finances. Un budget a été établi, présenté au Parlement, discuté par lui : c’est une nouveauté considérable, mais qui ne produira tous ses