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le Conseil et le Bâtonnier étaient élus directement par l’Assemblée générale, et les avocats n’avaient plus besoin d’une permission pour aller plaider au-delà de leur ressort. Suivant l’article 5 de l’ordonnance, les lois et règlemens relatifs à la profession d’avocat devaient être révisés dans le plus bref délai. La révision n’est pas encore faite aujourd’hui.


IV

Le XIXe siècle, grâce à la belle réforme de la Constituante, ouvrit aux avocats la carrière magnifique et retentissante de la Cour d’assises. Ce n’était pas seulement un prétoire de justice : c’était aussi bien une scène, une tribune. La souplesse du génie français s’en empara, comme si, de tout temps, il y avait eu une destination naturelle.

La procédure des Cours d’assises est certainement la conception méthodique d’esprits influencés par l’admiration de la justice anglaise et par le souci traditionnel de la forme ; elle est en même temps le produit d’une inspiration très haute et très noble du droit social de punir ; elle est par-dessus tout l’œuvre d’imaginations profondément latines. Tous les organes y trouvent une fonction définie : la Cour dirige le débat et veille à l’application de la loi ; le ministère public accuse ; l’avocat présente la défense ; le jury déclare l’accusé coupable ou non coupable. Les formes, dans l’intérêt de l’accusé, y doivent être rigoureusement observées. Là où se jouent la liberté ou la vie d’un homme, rien ne peut être laissé au hasard, ni à la fantaisie, de ce qui compromettrait son sort en altérant la sérénité des juges. Ces juges, c’est à savoir les jurés, sont tout de suite avertis de la grande mission que la société leur confie. Dès que le jury de jugement est désigné par le tirage, il prête serment, et la formule, que le président lit lui-même, est une des phrases les plus admirables de notre langue :

« Vous jurez et promettez, devant Dieu et devant les hommes, d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre N… ; de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant