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compris dans la première promotion de la Légion d’honneur.

L’explosion de la guerre rendit la situation du prince Charles particulièrement difficile. Des sentimens très divers se croisaient en lui. Ancien officier prussien, membre de la famille de Hohenzollern, il était porté à prendre parti pour la Prusse ; homme de délicatesse et d’honneur, il n’oubliait pas le concours que lui avait prêté l’empereur Napoléon ; homme d’État consommé, il se rendait bien compte qu’il ne pouvait heurter sans péril les sentimens affectueux qui éclataient de toutes parts dans son peuple en faveur de la France, par affinité de race et aussi en souvenir des services rendus à son indépendance. Les ardens patriotes eussent voulu que la Roumanie se mît immédiatement de notre côté et adoptât au moins une neutralité armée, prélude à une action militaire. Le prince, sans blesser ces sentimens, fit remarquer que la neutralité convenait seule à un petit pays comme la Roumanie. Son ministère adopta cette politique, mais en l’accompagnant de commentaires tellement favorables à la France que, si la neutralité effective était maintenue, la neutralité morale ne l’était pas. À la Chambre, le député de l’opposition Blaremberg dit que « toute autre politique qu’une politique française était contraire aux sentimens de la nation et aux aspirations séculaires des Roumains et qu’elle rencontrerait dans le pays une invincible résistance. »Le ministère lui-même, tout en étant obligé à plus de circonspection et en déclarant que la neutralité seule convient au rôle modeste de la Roumanie, ajoute que la nation n’oubliera jamais ce qu’elle doit de reconnaissance à la France : « Là où flotte le drapeau de la France, là sont aussi nos intérêts, nos sympathies. Où la race latine combat, là est la Roumanie.  »

Tant que la lutte resterait circonscrite entre la Prusse et la France, on pouvait très bien se renfermer dans cette neutralité bienveillante ; mais que ferait-on si le conflit se généralisait et si la Russie intervenait en faveur de la Prusse contre l’Autriche et l’Italie rangées du côté de la France ? De Paris, Strat télégraphiait à son gouvernement qu’il ne s’agissait pas de nous donner des assurances ou des promesses générales, mais de dire si la Roumanie, dans le cas où la Russie prendrait part à la guerre, voudrait ou non conclure un traité avec nous. Il demandait qu’on lui indiquât les conditions de ce traité et qu’on lui envoyât les pleins pouvoirs pour le signer. De Vienne