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cela de grave en ce moment qu’elle donne au parti révolutionnaire roumain, dont les relations avec la Russie ne peuvent être un secret pour la diplomatie française, une confiance aveugle qui augmente son audace. Assuré du concours de la Prusse et se persuadant que la France verrait avec plaisir le renversement du prince Charles ou y resterait indifférente, les Bratianistes ont pris une attitude dont s’alarment justement tous les Roumains qui croient que la prospérité de leur pays dépend de l’absence de toute agitation en Orient et de la prépondérance chez eux des idées occidentales. Je crois être en droit d’appeler la sollicitude du gouvernement impérial sur cette situation. Ce n’est pas à moi qu’il appartient de rappeler ce que j’ai pu faire pour obtenir la renonciation du prince Léopold, mais je ne puis me dispenser de me souvenir que je représente ici les intérêts du prince Charles et je les aurais compromis, si la part que fui prise au désistement de sa famille ne profitait à la cause roumaine, qui ne saurait être séparée de celle du prince. Je viens donc vous prier, monsieur l’ambassadeur, de seconder mes efforts auprès du gouvernement impérial pour en obtenir un témoignage public de sa détermination de ne pas laisser succomber le prince Charles sous les intrigues qui l’environnent. — J’ose croire que ce sentiment de sympathie est dû à la famille de Hohenzollern-Sigmaringen qui, dans cette circonstance a pris moins conseil de ses sentimens prussiens que de son affection pour le prince Charles et que la Roumanie, qui a pesé d’un si grand poids sur les déterminations de cette famille, a des titres sérieux à l’appui de la France. Je me propose de dire ces choses à M. de Gramont auquel je vais demander une audience, mais je fais appel à votre bienveillance et à votre esprit d’équité pour les faire entendre comme il faudrait qu’elles le fussent, et pour me prêter, en cette conjoncture délicate où ma responsabilité est en jeu, le concours généreux de votre appui.  » (18 juillet.)

L’Empereur remplit aussitôt les engagemens pris envers Strat et toutes les relations avec les ennemis du prince furent rompues. Il fit dire à l’agent roumain d’écrire à son roi qu’il pouvait compter sur lui. En même temps, il fit des propositions à Vienne pour le soutenir en commun. « La situation, en ce qui concerne la Roumanie, télégraphiait Strat, a changé du tout au tout.  » Et il fut convenu que Strat lui-même serait