Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gramont, il faut répondre que ce qu’elle nous demande n’est pas opposé à nos déclarations. Cette déclaration est désagréable, car elle est faite contre nous, mais aujourd’hui il faut bien en passer par là.  » Nous fîmes comme l’Empereur et nous en passâmes par celle humiliation. Nous nous bornâmes à réclamer quelques modifications de détail, qui ne furent pas admises. Des explications satisfaisantes ayant été fournies par un Memorandum, nous n’insistâmes pas et nous adhérâmes au traité.

La Prusse, avec une facilité bien compréhensible, en signa un semblable ; la Russie et l’Autriche, quoique signataires de l’acte de 1839, se bornèrent à adhérer, par des déclarations générales. Quand l’acte fut définitivement régularisé, la fortune de la guerre avait déjà prononcé, et la précaution, superflue contre nous, se retourna contre l’Angleterre. Gortchakof s’affranchit des arrangemens de 1856, en invoquant l’acte imprudemment exigé pur des ministres asservis aux passions allemandes de la Reine. « Lorsque la valeur des garanties européennes, écrivit-il, est frappée de nullité par les Cabinets mêmes qui les donnent, lorsque, pour conserver quelque efficacité, elles doivent être renouvelées selon les circonstances du moment, il est impossible que la Russie seule soit liée au respect absolu d’un principe qui a cessé de prévaloir dans les transactions politiques.  » L’ironie est du meilleur goût : receperunt mercedem suam.

Fasse le destin que l’Angleterre ne paye pas plus cruellement plus tard la malveillance et le manque d’équité de son gouvernement de 1870 envers l’alliée de Crimée et envers le souverain, qui, malgré les désaccords et les froissemens passagers, lui demeura toujours un ami fidèle, loyal, inébranlable !


VII

« J’avais espéré mieux de l’Angleterre, mais je n’avais jamais douté que, si une guerre éclatait entre la France et la Prusse, les États du Sud se prononceraient contre nous. C’est la conviction que j’avais emportée d’un voyage que j’avais fait dans le midi de l’Allemagne en 1867, pendant lequel j’avais eu de longs entretiens avec les hommes du Sud les plus hostiles à Bismarck. Toute guerre entre la Prusse et la France devait avoir nécessairement pour théâtre le Palatinat et le Wurtemberg. Ni la