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Dès le 15 juillet, Gramont avait spontanément promis que, dans toutes les circonstances, nous respecterions d’une manière absolue la neutralité de la Belgique comme celle du Luxembourg, de la Hollande et de la Suisse, à moins que la Prusse ne la violât, auquel cas nous reprendrions notre liberté d’action. Après la publication du traité, Granville et Gladstone ne se contentèrent plus de notre promesse ancienne. La Valette écrivit à Gramont : « Ma correspondance officielle ne vous a pas laissé ignorer l’extrême émotion qu’ont fait naître, en Angleterre, dans les masses, comme dans les sphères gouvernementales, les publications auxquelles nous avons dû répondre. Nos explications n’ont atteint qu’en partie le but que nous nous proposions. Si elles ont un peu calmé l’irritation profonde qu’on ressentait contre nous, elles laissent subsister de vives inquiétudes sur le sort réservé à la Belgique. L’Angleterre a pris acte, sans doute, des déclarations qui lui ont été faites par les deux belligérans, mais elle constate aussi les réserves formulées de part et d’autre et elle se demande quelle sera la condition de la Belgique vis-à-vis de la puissance victorieuse, de quelque part que se soit produite, tout d’abord, la violation de la neutralité. Je remarque, depuis quelques jours déjà, ces préoccupations non seulement chez les ministres anglais, mais dans les Chambres, dans les journaux, dans l’opinion publique, à tous les degrés. Lord Granville ne cherchait même pas à me le dissimuler, et, à travers ses hésitations, ses réticences, je pressentais qu’on nous mettrait bientôt en demeure de nous prononcer plus nettement encore que nous ne l’avions fait[1].  » Ce pressentiment se réalisa. Les ministres anglais nous demandèrent de signer un traité nouveau, renouvelant les stipulations du traité de la quintuple alliance du 1er avril 1839.

Ce nouveau traité n’était pas seulement inutile, il était dangereux : il affaiblissait l’autorité de tous les traités en paraissant supposer qu’au bout de quelque temps, leur valeur était tellement affaiblie qu’il fallait les rajeunir par un titre nouveau. Il était, de plus, blessant, car, quoique l’on en demandât un semblable à la Prusse, il était évident qu’après les divulgations de Bismarck, il était motivé par le crédit qu’on leur accordait. « L’Angleterre est bien soupçonneuse, écrivait l’Empereur à

  1. Lettre particulière du 31 juillet 1870.