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guerre qui devait bientôt commencer. Vous me disiez alors : « Ah ! si Napoléon voulait, il nous serait aisé de faire la guerre ; il pourrait prendre la Belgique, le Luxembourg même, et pourrait ainsi rectifier la frontière de la France. Je lui ai proposé déjà tout cela, mais il n’a pas voulu accepter. Quand vous irez à Paris, je vous prie de faire mention de tout ceci au prince Napoléon.  » Au mois de février 1867, j’eus encore l’honneur de vous entretenir : « C’est grâce à l’empereur Napoléon que nos armes ont remporté la victoire en 1866, m’avez-vous dit. La neutralité et la loyauté de l’Empereur ont facilité notre plan de campagne ; comme il n’a exigé aucune compensation, je suis prêt à appuyer la France en tout. Si l’empereur Napoléon voulait exprimer un désir quelconque, je me charge de sa réalisation en quelques mois. Par exemple, s’il voulait le Luxembourg, qu’il favorise la création ou le développement d’un parti français demandant ouvertement l’annexion à la France ; je n’examinerai pas même si c’est la majorité de la population qui optera pour l’union ; j’accepterai sans mot dire le fait accompli. Quant à la Belgique, j’ai déclaré plusieurs fois, et je répète ici, que si l’empereur Napoléon veut occuper la Belgique, nous opposerons nos baïonnettes au gouvernement qui chercherait à y mettre obstacle.  »


V

Le temps a emporté toutes les allégations de Bismarck. Malheureusement, il n’a pas respecté non plus celles de Benedetti. Lui-même avait déjà été obligé d’en rétracter une importante. Il avait soutenu dans son livre[1] que l’Empereur avait repoussé la tentation de Bismarck. Cette assertion devint difficile à maintenir en présence d’une lettre de Napoléon III à Rouher (26 août) trouvée aux Tuileries et publiée dans les papiers secrets : « Je vous envoie le projet de traité avec mes observations en marge… Benedetti peut donc, sauf quelques petits changemens, accepter en principe.  » Là-dessus Benedetti a tenté une nouvelle explication : « Les observations que l’Empereur avait consignées en marge du projet tendaient à limiter nos agrandissemens à l’acquisition du Luxembourg et au rétablissement de notre frontière de 1814, combinés avec le

  1. Ma Mission en Prusse.