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du Hanovre, de la Hesse électorale et de Francfort à la Prusse, M. de Bismarck témoigna de nouveau le plus vif désir de rétablir l’équilibre rompu par ces acquisitions. Diverses combinaisons respectant l’intégrité des États voisins de la France et de l’Allemagne furent mises en avant ; elles devinrent le sujet de plusieurs entretiens pendant lesquels M. de Bismarck inclinait toujours à faire prévaloir ses idées personnelles. Dans une de ses conversations, et afin de rendre un compte exact de ses combinaisons, j’ai consenti à les transcrire en quelque sorte sous sa dictée. La forme, non moins que le fond, démontre clairement que je me suis borné à reproduire un projet conçu et développé par lui. M. de Bismarck garda cette rédaction, voulant la soumettre au Roi. De mon côté, je rendis compte en substance au gouvernement impérial des communications qui m’avaient été faites. L’Empereur les repoussa dès qu’elles parvinrent à sa connaissance. Je dois dire que le roi de Prusse lui-même ne parut pas vouloir en agréer la base et, depuis cette époque, c’est-à-dire pendant les quatre dernières années, je ne suis plus entré dans aucun nouvel échange d’idées à ce sujet avec M. de Bismarck. »

Sans examiner ce que valait cette explication, comme il fallait en donner une, nous autorisâmes Gramont à la reproduire dans ses circulaires. On ne peut pas ne pas être frappé du ton gêné, un peu sourd, dont il le fit. Bien autrement nettes, vibrantes, accentuées furent nos protestations contre la pensée que nous prêtait Bismarck d’avoir fait la guerre pour obtenir une extension de nos frontières aux dépens de la Belgique. Où ? quand ? par l’intermédiaire de qui avions-nous proposé, insinué quoi que ce fût qui ressemblât à un projet de spoliation au détriment d’un voisin quelconque ? Nous mîmes en demeure Bismarck de le dire, et je rédigeai, au nom de tout le Cabinet, une sommation hautaine qui fut insérée dans une circulaire à nos agens (4 août) : « À la face de l’Europe, les ministres de Sa Majesté mettent M. de Bismarck au défi d’alléguer un fait quelconque pouvant faire supposer qu’ils aient manifesté directement ou indirectement, par la voie officielle ou par la voie d’agens secrets, l’intention de s’unira la Prusse pour accomplir avec elle sur la Belgique l’attentat consommé sur le Hanovre. Nous n’avons ouvert aucune négociation avec M. de Bismarck, ni sur la Belgique, ni sur tout autre sujet. Bien loin de