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avoir exigé ou recommandé l’acceptation, en ignorait l’existence, et si on la lui avait révélée, il ne l’aurait pas approuvé, car une alliance contre l’Autriche n’était pas entrée un instant dans ses combinaisons. S’il eût accepté une action avec qui que ce fût, il se serait allié avec l’Italie et n’aurait pas facilité le traité de cette dernière avec la Prusse, auquel il se prêta uniquement parce qu’il était résolu à ne plus se lancer dans une guerre.

Benedetti intervint lui-même pour défendre son œuvre. Les explications qu’il donna, d’abord dans le particulier, puis dans les journaux, peuvent se résumer ainsi : — Il est de notoriété publique que Bismarck nous a offert, avant et pendant la guerre de 1866, de contribuer à réunir la Belgique à la France en compensation des agrandissemens qu’il ambitionnait et qu’il a obtenus. Dès l’année 1865, il essayait de diriger de ce côté la pensée de notre chargé d’affaires à Berlin, M. Lefebvre de Behaine, en lui disant que la Prusse reconnaîtrait volontiers à la France le droit de s’étendre éventuellement partout où l’on parle français dans le monde, désignant clairement certains cantons de la Suisse aussi bien que de la Belgique. Le gouvernement de l’Empereur étant resté sourd à ces excitations, Bismarck, après Sadowa, désirant assurer les conquêtes de la Prusse par une alliance avec nous, exprima encore la même pensée à Behaine, qui se trouvait au quartier général à Brünn, pendant un voyage de Benedetti à Vienne du 14 au 17 juillet. « Votre situation est bien simple, disait Bismarck, il faut aller trouver le roi des Belges, lui dire que les inévitables agrandissemens politiques et territoriaux de la Prusse vous paraissent inquiétans, qu’il n’y a qu’un moyen pour vous de parer à des difficultés dangereuses et de rétablir l’équilibre dans des conditions rassurantes pour l’Europe et pour nous. Ce moyen, c’est d’unir les destinées de la Belgique aux vôtres par des liens si étroits que cette monarchie, dont l’autonomie serait d’ailleurs respectée, devienne au Nord le véritable boulevard de la France, rentrée dans l’exercice de ses droits naturels[1]. » À son retour, à Nickolsbourg, c’est à Benedetti qu’il exprima l’avis que nous devions chercher un équivalent en Belgique et qu’il offrit de s’entendre avec nous[2]. « Au moment de la conclusion de la paix de Prague et en présence de l’émotion que soulevait en France l’annexion

  1. Lefebvre de Behaine à Drouyn de Lhuys, le 25 juillet 1866.
  2. Voyez Empire libéral, t. VIII, p. 640.