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que m’a rappelé mon cousin Napoléon, et ce qui est conforme à mes souvenirs. M. de Bismarck a dit au prince à Berlin : — Vous cherchez une chose impossible, vous voulez prendre les provinces du Rhin qui sont allemandes et qui veulent le rester ; pourquoi ne pas vous adjoindre la Belgique, où existe un peuple qui a la même origine, la même religion et parle la même langue ? J’ai déjà fait dire cela à l’Empereur ; s’il entrait dans ces vues, nous l’aiderions à prendre la Belgique. Quant à moi, si j’étais le maître, et que je ne fusse pas gêné par l’entêtement du Roi, cela serait déjà fait. — Ceci est authentique. M. de Goltz me l’avait déjà dit. Aussi, lorsque, à l’époque de l’Exposition, le roi des Belges parla à Napoléon de ses inquiétudes sur mes intentions, mon cousin lui répondit : — Vous devriez être très reconnaissant à l’Empereur, car Bismarck lui a offert la Belgique, et il l’a refusée. — En ce moment, c’est la Prusse qui a fait l’offre, et c’est nous qui avons éludé de répondre. Croyez à ma sincère amitié.  »

L’Impératrice régente ajouta le renseignement suivant (30 juillet) : « Mon cher ministre, si mes souvenirs ne me font pas défaut, vous devez avoir des dépêches à l’occasion de l’affaire du Luxembourg, qui constatent nos bons procédés pour l’Angleterre et la preuve que c’est la Prusse qui nous avait offert la Belgique quelque temps avant. C’est après constatation faite que l’Angleterre se mit de cœur à aplanir les difficultés. Lord Cowley était au fait de cette affaire. Croyez à tous mes sentimens.  »

Le prince Napoléon me répéta ce qu’avait rappelé l’Empereur : il était allé à Berlin, en mars 1868, en voyageur sans caractère officiel ; il n’avait donc eu ni à repousser, ni à accepter l’ouverture de Bismarck ; il l’avait écoutée, et à son retour à Paris, il en avait entretenu l’Empereur, lequel ne l’avait pas même prise en considération. La note de 1866, invoquée par la circulaire de Bismarck, était de lui, et elle s’expliquait bien naturellement. En 1866, le prince était partisan d’une alliance avec la Prusse à des conditions nettement déterminées ; causant de ce projet avec Nigra, son ami, il avait esquissé par écrit les conditions de cette alliance telles qu’il les concevait ; Nigru avait ramassé le papier, l’avait montré, puis remis à son compère Goltz » lequel l’avait transmis à Bismarck. Du reste, cet écrit anonyme, sans signature, n’avait aucune valeur ; l’Empereur, loin d’en