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dont l’attitude envers la Prusse depuis sept mois a été irréprochable, ne saurait être responsable des fautes et des sottises commises il y a quatre ans. Si M. Benedetti, par une maladresse insigne, a consenti à se faire le secrétaire de M. de Bismarck, à transcrire sous sa dictée un projet de spoliation dont la seule idée aurait dû le faire bondir d’indignation, ni le ministère actuel, ni le pays, ne doivent en porter la peine. La France a repoussé ces ouvertures, il y a quatre ans : voilà qui est bien établi ; il n’y a en tout ceci rien qui soit de nature à inquiéter la Belgique et à nous aliéner les sympathies de l’Angleterre. Il n’y a qu’un coupable, c’est l’ambassadeur assez oublieux de son rôle et de son rang pour se faire le modeste copiste, le très humble secrétaire de M. de Bismarck.  » (31 juillet.)

Cependant, comme on ne pouvait alors, faute de documens dénoncer les mensonges contenus dans les circulaires prussiennes on ne retint de la révélation du Times que ce fait indéniable d’un projet de conquête écrit de la main de l’ambassadeur de France, et l’effet fut foudroyant. Le prince Charles de Roumanie dit dans son journal : « La révélation de ces propositions fait un tapage épouvantable dans le monde entier ; c’est un merveilleux coup d’échecs dû au génie du chancelier de la Confédération.  » Nous aussi, nous sentîmes cruellement le coup qui était porté à notre cause. Nous fûmes comme suffoqués, anéantis, désespérés de cette révélation meurtrière. Nous ne savions comment expliquer, comment nous défendre. L’Empereur comprit que lui seul pouvait nous donner une contenance. Il écrivit à Gramont : « Mon cher duc, je crois qu’à propos du traité reproduit par le Times, on pourrait mettre dans le Journal Officiel la phrase suivante qui est la vérité : — Après le traité de Prague, plusieurs pourparlers ont eu lieu à Berlin entre M. de Bismarck et l’ambassadeur de France au sujet d’un projet de traité d’alliance. Plusieurs des idées contenues dans le document inséré par le Times ont été soulevées. Quant aux propositions dont on avait pu parler, l’empereur Napoléon les a rejetées. — Parlez de cela avec M. E. Ollivier. Mille amitiés.  » (26 juillet.) Une seconde lettre datée de Metz vint ensuite (28 juillet) : « Mon cher duc, en partant ce matin, j’ai oublié de vous dire qu’il serait bien nécessaire de faire le plus tôt possible une dépêche à La Valette afin de rejeter sur qui de droit l’initiative et la responsabilité du prétendu traité. Voici ce