Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diplomatiquement avec les chancelleries. Le 16 juillet, il avait fait un exposé sommaire devant le Conseil fédéral ; le 18, il envoya une circulaire apologétique aux cours étrangères avec documens à l’appui ; enfin il compléta ses explications, le 20 juillet, devant le Reichstag. En 1823, au dire de Chateaubriand, Canning ramassait, dans ses speeches contre notre guerre d’Espagne, les idées jetées au hasard par l’opposition française ; Bismarck ne procéda pas autrement. Ses circulaires et discours ne sont que la réédition des arguties de Jules Favre, Gambetta, etc. En les réfutant nous avions d’avance, le 15 juillet, répondu au Prussien. Depuis, les confidences de Bismarck[1], les Mémoires si précieux du prince Charles de Hohenzollern ont démontré combien étaient justes les dénégations que nous n’avions pas pu au premier moment appuyer sur des documens précis. Est-il nécessaire dorénavant d’établir que ce n’est point par hasard que Bismarck avait eu connaissance de la candidature Hohenzollern, de nier la fable d’une lettre d’excuses exigée du roi de Prusse, de prouver que Werther s’est trompé en annonçant la demande de cette lettre d’excuses, puisque cette demande n’est jamais arrivée à Berlin ? Et parmi ceux dont l’avis compte en est-il un seul qui ne pense que son rapport doit être écarté de l’histoire ? Gramont lui opposa le 24 juillet, dans une circulaire, un démenti qui l’a tué définitivement.

Bismarck ne fut pas heureux dans toute cette discussion. Il ne put contester la tradition internationale constante, établie avec la coopération de la Prusse même et subie par toutes les puissances, argument d’airain qui subsiste toujours et n’a pu être entamé par la dent du plus envenimé des professeurs allemands. Il nous procura même, sans en avoir conscience, la seule preuve qui manquât à nos affirmations du 15 juillet. Je m’étais refusé obstinément à rattacher la guerre aux événemens de 1866 et à la présenter comme une revanche de Sadowa que je ne souhaitais pas : la candidature Hohenzollern écartée, l’imprudente demande de garanties abandonnée par le Cabinet j’avais ramené tout le débat à ces termes : « Nous avons été insultés.  » Et j’avais fait résulter l’insulte de la communication aux journaux et aux gouvernemens du télégramme envoyé d’Ems à Berlin et frelaté par Bismarck. L’opposition m’avait

  1. Voyez Empire libéral, t. XIV, p. 518.