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plus à l’Ouest, dans le lointain, une série de pics couverts de neige. Malheureusement, cette satisfaction d’aller à la découverte, de parcourir la grande île en tout sens pour en dresser la carte, ne devait pas être le lot de la petite escouade de matelots et de savans qui fut chargée par le docteur von Drygalski d’explorer l’archipel et d’y poursuivre, pendant la durée de sa campagne antarctique, les travaux scientifiques commencés.

Le Gauss, arrivé le 1er janvier 1902 aux Kerguelen, avait, en effet, levé l’ancre le 31.

Restés dans les cabanes de la baie de l’Observatoire, déjà choisie par les astronomes anglais de 1874 pour y installer leur station, les membres de cette mission détachée de l’expédition principale auraient pu, en quinze mois, révéler tout l’intérieur de ce pays et faire connaître ses chances d’avenir, s’ils n’avaient été presque constamment immobilisés dans leur retraite. La fatalité avait voulu que le docteur Enzensperger eût pris, sur le Tanglin, les germes du beri-beri. Ce mal des tropiques se propagea, malgré l’air pur et le climat salubre de ces îles, balayées par les vents. Le malade succomba ; son compagnon, le docteur Werth, gravement atteint à son tour, faillit subir le même sort. Seul, le docteur Karl Luyten, qui leur prodigua ses soins, eut la force de continuer la série de ses observations météorologiques et magnétiques jusqu’au jour de la délivrance. Ils étaient tous à bout, quand, le 30 mars 1903, le vapeur Stassfurt vint enfin à leur aide et les prit à son bord.

La petite mission, malgré la fortune adverse, rapportait de son exil d’importans travaux. Werth, qui avait profité de quelques jours de beau temps pour pousser une pointe au Nord-Ouest, explora le pays mon tu eux qui le séparait du bassin de la Gazelle. On lui doit l’étude la plus complète qui ait paru jusqu’à ce jour sur la géologie des Kerguelen[1].

Les deux expéditions allemandes ont également complété les données fournies par les précédentes missions dans le domaine des sciences physiques et naturelles. La Valdivia, ajoutant aux travaux de l’Erebus sur la flore, a identifié 21 espèces de plantes à fleurs, 160 espèces démolisses et lichens, 71 d’algues marines. Au point de vue pratique, il y a lieu d’insister sur la

  1. Deutsch Süd polar expedition 1901-1903, II Band, Kartographie, Geologie, Heft II. Berlin, Georg Reimer, 1908.