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LES KERGUELEN




Cent trente-huit ans se sont écoulés depuis que le chevalier de Kerguelen rencontra, dans le Sud de l’Océan Indien, à mi-distance des côtes méridionales de l’Afrique et de l’Australie, l’archipel qui porte son nom. Cette découverte, dont il s’exagéra l’importance, ne lui rapporta que des déboires, et la disgrâce, qui l’a frappé, semble avoir atteint, du même coup, le domaine qu’il venait de rattacher à la Couronne.

Longtemps dédaignées par la métropole, ces terres inhabitées semblent depuis une année s’essayer à la vie. Aussi nous a-t-il paru intéressant de considérer le chemin parcouru jusqu’à cette dernière étape, et d’abord d’esquisser les traits, presque effacés, du marin qui révéla leur existence.

Issu d’une ancienne famille de Bretagne, le chevalier de Kerguelen débuta à seize ans comme garde de la marine. Son aptitude pour les travaux hydrographiques lui valut, quelques années plus tard, d’être adjointe une mission chargée de lever le plan des côtes de Brest. Promu enseigne de vaisseau, il prit une part active à la guerre de Sept ans. En 1760, avec le vaisseau le Sage, de 64 canons, armé en course par des particuliers, il batailla dans la mer des Antilles et entreprit de dégager le vaisseau français Sainte-Anne, acculé dans Port-au-Prince. Pendant cette campagne, il s’empara de 10 navires, fit démâter, sur les côtes d’Irlande, le Magnanime qui, suivi de deux autres