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l’existence de la primatie de Pologne, détrônait le primat. La rude consigne des geôles prussiennes essayait d’humilier à plaisir l’imposant et noble prélat qui naguère était le commensal de la cour berlinoise, l’altier diplomate d’Église qu’au milieu des camps Bismarck accueillait, et dont il écoutait les pensées avec un assentiment déférent et souriant, avec quelque chose d’énigmatique aussi, dans le sourire.

Le primat de Pologne apparaissait aux autres évêques comme l’image de ce qu’à leur tour ils seraient peut-être demain, et pendant qu’ils avaient encore à leur disposition, comme ils le disaient avec une belle simplicité, un dernier moment de liberté, ils profitaient de ce moment, si douloureux et si solennel, pour adresser à leurs prêtres et à leurs fidèles quelques paroles d’enseignement et d’exhortation. Leur lettre pastorale succéda de trois jours à l’inquiétant message par lequel Guillaume avait remercié le comte Russell. Ils ne s’érigeaient pas en protestataires inutiles et bruyans ; ils parlaient en docteurs, très calmes, très dignes. On nous traite de rebelles, disaient-ils ; mais voici des lois pour lesquelles on n’a consulté aucun représentant de la hiérarchie, aucun évêque, ni même aucun bon catholique laïque ; est-ce notre faute à nous, si nous devons les répudier ? On nous montre les conséquences de notre intransigeance, les souffrances d’un grand nombre de prêtres, l’affaiblissement de notre Eglise, la ruine même, peut-être, de beaucoup d’âmes ; mais veut-on que nous aidions à asservir l’Eglise, à fausser sa constitution, à faire s’insinuer en elle, lentement, mais sûrement, derrière une façade extérieure qui resterait la même, certains principes non catholiques et un esprit non catholique ?


Des temps peuvent venir, continuaient-ils, où les évêques légitimes, institués par l’Esprit saint, ou leurs représentans par eux installés, seront empêchés de gouverner l’Église de Dieu. Même des temps peuvent venir, où des communautés catholiques seront sans pasteur, sans service divin. Tant que vous aurez occasion d’entendre la messe et de recevoir les sacremens d’un prêtre légitime, faites-le avec d’autant plus de zèle, et ne craignez aucune vexation, aucune hostilité. Mais quant au prêtre qui n’est pas en communion avec votre évêque et avec le chef suprême de l’Église, tenez-vous loin de lui. Si vous êtes, sans votre faute, privés du saint sacrifice et des saints sacremens, mais si vous demeurez fermes dans la foi, ensuite la grâce de Dieu remplacera tout.


Ainsi parlaient ces évêques, ils ne visaient pas à être des tribuns, mais poursuivaient, bien simplement, leur tâche de