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un souffle de Culturkampf se déchaînant comme une rafale, de tous côtés en Europe, et faisant branler la tiare sur la tête papale, qui enfin se courberait.

Deux jours plus tard, le 20 février, il saisit le conseil fédéral d’un projet. Il demanda qu’à l’avenir l’État pût condamner à l’internement, ou à l’interdiction de séjour, ou à la déchéance de la nationalité allemande et à l’exil, les prêtres catholiques qui, après avoir été frappés pour exercice illégal de leurs fonctions, ou après en avoir été révoqués, bravaient la police et continuaient à faire acte de prêtres. Jamais crime n’avait fait plus de récidivistes que le crime de sacerdoce, dans la Prusse bismarckienne. Prêtres pour l’éternité, il semblait que, par la multiplicité des peines qui s’amassaient sur eux, ils devinssent criminels pour l’éternité. Bismarck voulait en finir, il les supprimerait pour supprimer le crime. C’est ainsi qu’à l’heure où l’Empire allemand voulait s’apparenter à tous les peuples et à tous les partis qui travaillaient contre Rome, il se préparait à intenter à un certain nombre d’enfans du sol allemand une sorte de désaveu de paternité, pour qu’ils s’en allassent à jamais, déracinés.


IV

Dans les provinces, la police, docile et disciplinée, continuait son œuvre : prêtres, évêques, prenaient la route des cachots. Ledochowski, dont la cour royale pour les affaires ecclésiastiques préparait la déposition, avait refusé, le 4 janvier, d’aller subir un interrogatoire ; le 3 février, entre trois et quatre heures du matin, trois policiers vinrent le chercher ; un fiacre ; un train, une voiture de poste, l’emmenèrent jusqu’à la cellule qui l’attendait dans la lointaine prison d’Ostrowo. Privé de tout domestique, on lui permettait de se faire apporter ses repas du presbytère ; il balayait lui-même sa cellule, faisait lui-même son lit. On marchandait à son chapelain la permission de le voir. Plusieurs semaines se passèrent, durant lesquelles il ne put recevoir de visites que dans la loge du concierge ; il put plus tard ouvrir aux visiteurs son cachot. Ecrire des lettres, en recevoir, lui était interdit ; deux mois durant, il fut privé de dire la messe. Il apprit, en avril, que la cour royale le déclarait déchu de son titre d’évêque ; l’État prussien, qui suspectait