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faisaient les conjoints. La formule du rituel métropolitain d’Aix de 1577 exprime bien la portée de cet échange. « Je N. donne mon corps à vous N. pour loyal mari et pour loyal époux. — Et je le reçois. — Je N. donne mon corps à vous pour loyale femme et pour loyale épouse. — Je le reçois. » Si la dation des corps accompagne quelquefois les fiançailles, si elle est même, dans un texte, identifiée avec elles et si, comme elles, elle n’a pas toujours lieu à l’église, mais aussi dans la maison nuptiale, c’est qu’il s’agit, sous leur nom, d’un véritable mariage par paroles de présent auquel il ne manque, pour acquérir toute sa vertu sacramentelle, que d’être fait devant le ministre de la religion. Les paroles solennelles par lesquelles s’accomplissait la conjonction des corps et des âmes se rapportaient à deux conceptions différentes. D’après l’une, c’était le prêtre qui opérait cette conjonction : Ego vos in matrimonium conjungo. D’après l’autre, c’était, comme on vient de le voir dans le rituel d’Aix, les conjoints eux-mêmes : Ego te in meam accipio. — Ego te accipio in meum. Ces formules n’avaient encore rien de rigoureux, et le concile de Trente qui donne la première reconnaît la légitimité de celles qui en différaient et qui avaient été adoptées par les divers rituels. Nous avons, par exemple, sous les yeux un acte de 1615 où le conjoint est seul à parler, où la future ne lui donne pas la réplique : « Moi Pierre Grantet je te prends, Toussainte Chavanon, pour femme, avec cet anneau et cette charte dans les conditions que Dieu a dites, que saint Paul a écrites, que confirme la loi romaine, — nous sommes en Forez, en pays de droit écrit, — et je te confie toutes mes aumônes (committo sive commendo omnes elemosinas meas), c’est-à-dire : je te fais la dispensatrice de mes œuvres de charité. »

La transcription sur le registre paroissial ne s’opérait pas avec une grande régularité. Tantôt elle était omise, plus souvent elle n’était pas suivie de la signature des contractans et des témoins. Rigoureusement, celle du curé était suffisante.

La bénédiction du lit nuptial en présence de la famille et des invités suivait la noce de près. Cette cérémonie ne pouvait être célébrée dans la soirée, de crainte des scandales que l’heure tardive était de nature à favoriser. Elle n’était pas pratiquée partout.

Le clergé avait, on l’a vu, beaucoup à faire pour sauvegarder la dignité et la sainteté de l’union conjugale, et sa tâche devenait