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la garde-robe de la future et la sienne et ordonner le repas. Il enverra le tailleur prendre chez le marchand d’étoffes de quoi l’habiller et de quoi faire à la fiancée une robe à collet, une jupe, un frison rouge, une robe de dessous. Il prendra aussi du velours dont le chaperonnier fera deux chaperons, l’un bordé de zibeline pour les dimanches, l’autre de martre pour tous les jours. Comme fourrures, il faudra deux pelliçons d’agneau bordés d’hermine et rehaussés de damas et de taffetas renforcé. On achètera ou on commandera à la lingère des coiffes de dentelle, des fraises, des collerettes, des « garde-robes » à la mode. On ira ensuite chez l’orfèvre pour y acheter la pointe de diamant qu’on passera au doigt de l’épousée dans la cérémonie nuptiale. La semaine qui la précède, on se procure les provisions pour le banquet, on charge un notaire d’aller, avec un parent, faire les invitations. À ces « semonneurs » il faut donner à déjeuner, à dîner et à souper. Le notaire recevra, en outre, un risdale et il en touchera un autre le jour de la cérémonie pour la peine de dresser et de lire la liste des conviés dans l’ordre où ils accompagneront les mariés. On croit surprendre dans la classe élevée, contre l’étalage de luxe dont les noces étaient l’occasion, une réaction de simplicité. Elle n’allait pas évidemment jusqu’au point où la poussa Henri-Aug. de Loménie, comte de Brienne, que le Père Senault loue d’avoir remplacé dans la corbeille les bijoux par un exemplaire des œuvres édifiantes du Père Louis de Grenade, mais on ne peut guère la méconnaître dans la façon, dont Françoise de Chantal l’oppose aux élans de galante générosité de son futur gendre, le comte de Toulongeon. Sainte Chantal ne voudrait pas que sa fille acceptât des pierreries, on n’en porte plus à la Cour, on laisse cela aux femmes de la ville. Mais le comte se pique de bien faire les choses. Il demande qu’au moins on lui permette d’offrir, pour commencer, des perles, des pendans d’oreilles et un médaillon peint enrichi de diamans, seule parure que les dames portent maintenant au corsage. Il veut qu’on lui envoie un canevas, c’est-à-dire un patron pour faire faire des costumes, Franç. de Chantal écrit à sa fille qu’il ne serait pas raisonnable d’en faire plus d’un. Tout au plus pourrait-elle se charger d’en commander elle-même, en partie aux frais du comte, qui fussent à la mode et se porteraient un peu dans toutes les circonstances. Elle se montre même tout à fait contraire à l’idée de faire une