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avocat qui, dans un factum, invoque la jurisprudence du parlement de Paris pour établir que l’omission des publications suffit, aussi bien que l’absence du prêtre propre et de témoins, pour empêcher la formation du nœud conjugal. Même constatation dans une lettre de l’évêque de Montpellier, Fenouillet, à La Vrillière écrite en 1637 : « … De fait, écrit ce prélat, les parlemens déclarent maintenant partout nuls les mariages contractés avec le défaut des proclamations de bans et de la présence du curé. » Tout au plus pourrait-on dire, en s’en tenant aux termes mêmes de cette lettre, que la réunion de ces deux irrégularités est nécessaire pour motiver la nullité. En revanche, il ne manquait pas de praticiens pour soutenir à la barre que, la publication des bans n’étant qu’une forme extrinsèque et non essentielle du contrat, son omission ne pouvait en vicier la substance. Ce qui est vrai, c’est qu’en conformant leur jurisprudence à la législation civile qui, à la différence du concile de Trente, faisait des bans une condition résolutoire, les parlemens et les juridictions inférieures, à leur exemple, tenaient compte des circonstances dans un esprit favorable au mariage et à la légitimité des enfans.

À Châlons, les bans auraient été remplacés par le défilé à travers la ville du cortège nuptial la veille de la cérémonie religieuse. On aurait peine à croire, si cela ne nous était attesté par un témoin oculaire, que cette exhibition ait pu tenir lieu des annonces faites au prône, et le voyageur qui y avait assisté ne s’est probablement pas trompé en prévoyant qu’elle ne se perpétuerait pas longtemps.

Comment, en effet, se passer de la publicité de l’église, si l’on voulait prémunir l’union conjugale contre les causes de nullité qui en menaçaient la stabilité ? Pour être insuffisant, ce moyen n’en était-il pas le meilleur ? et, si l’Eglise avait de bonnes raisons pour en dispenser, pouvaient-elles l’être assez pour balancer un intérêt aussi capital ? L’abus de ces dispenses augmenta beaucoup quand les curés s’ingérèrent d’en accorder eux-mêmes. Les synodes provinciaux durent maintenir aux évêques le droit exclusif de le faire. Avec un pareil laisser aller, il arrivait souvent, — et il pouvait arriver encore pis, — que les degrés prohibés ne fussent pas divulgués. Bien qu’ils eussent été réduits par le quatrième concile de Latran et le concile de Trente, les futurs eux-mêmes pouvaient les avoir ignorés et