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coopératives, qui non seulement chercheront à accaparer la terre, mais encore la travailleront mieux et lui feront produire davantage. Ainsi la location individuelle disparaîtra à son tour devant la location collective. Les socialistes ne disent point si, selon leurs vues, la location collective doit équivaloir à l’expropriation, ou tout au moins y conduire.

Il est moins facile de démêler, à travers les revendications des métayers, une intention nette et un plan d’action défini. Si jaloux qu’ils soient de leur situation privilégiée, si attachés qu’ils restent à certaines traditions de leur classe, les mezzadri romagnols ont déjà subi l’influence de leurs alliés d’occasion. En vertu des principes républicains dont ils se réclament, ils repoussent le collectivisme et maintiennent sur leur programme la propriété individuelle. Dans la pratique, tout métayer qui réalise des bénéfices, — et c’est le cas de beaucoup d’entre eux, — emploie ses économies à louer (à bail d’argent) ou même à acheter de la terre : ainsi s’expliquent le développement croissant de la petite propriété et l’augmentation rapide du prix de la terre dans les régions les mieux cultivées de l’Italie. Il semble donc qu’ils préfèrent la location au métayage ; d’ailleurs, ils se jugent désormais capables de diriger une exploitation agricole suivant les méthodes les plus modernes, soit pour ce qui est de la production, soit en ce qui concerne l’écoulement des produits. L’expérience des dernières années leur donne raison et montre que, tout en étant bons agriculteurs, ils s’entendent fort bien en affaires. D’autre part, ceux mêmes qui ne parviennent pas à posséder de la terre pour leur propre compte, considèrent de plus en plus comme leur appartenant la tenure qu’ils cultivent et tendent à devenir effectivement les associés du propriétaire : ce qu’ils cherchent surtout à obtenir, c’est une participation plus importante à la direction du fonds. Ainsi les uns et les autres restent attachés à la forme du contrat individuel. La perspective d’une exploitation collective du sol, où les traditions, les goûts, les intérêts particuliers de chacun seraient nécessairement sacrifiés à l’intérêt général et anonyme de la classe, n’a rien qui doive les tenter. Mais les métayers n’en ont pas moins reconnu à la coopération certains avantages : déjà ils ont formé entre eux des associations et des ligues (fratellanze, leghe), soit pour acheter en commun des machines agricoles, soit pour défendre ensemble leurs intérêts