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Imola, en associations autonomes (leghe autonome), et bien moins pour résister aux propriétaires que pour s’opposer aux prétentions des syndicats. Mais, dans les communes où les braccianti avaient pour eux le nombre et la force, les mezzadri finirent par céder : c’est ainsi qu’à Ravenne beaucoup d’entre eux se laissèrent inscrire à la Chambre du Travail. Sans perdre de temps, les braccianti leur promirent de les aider à obtenir des propriétaires un contrat plus avantageux, pourvu que, de leur côté, les métayers prissent l’engagement de ne plus travailler les uns chez les autres aux époques de la fenaison, de la moisson et du battage du grain. Ainsi fut aboli dans la commune de Ravenne l’antique usage de l’échange des aides (scambio delle opere) : les métayers acceptèrent l’obligation de recourir aux ouvriers syndiqués pour tous les travaux extraordinaires et pour « toute transformation de produits ayant un caractère industriel (1907).  » Et ce fut, sur ce nouveau terrain, la première victoire des braccianti.

Mais ils prétendirent bientôt après tirer de l’alliance un avantage plus décisif. Il arrive qu’un mezzadro ne dispose pas de la main-d’œuvre ou des moyens suffisans pour exploiter entièrement les huit ou dix hectares dont se compose sa tenure. Les braccianti demandèrent que, dans chaque tenure, les terres en excédent (terre in più) fussent cédées à leurs coopératives, qui les cultiveraient à terzeria. Ainsi plusieurs milliers d’hectares, qui faisaient partie intégrante de divers domaines privés, étaient attribués en bloc à une société d’ouvriers agricoles, pour être exploités collectivement : c’était un premier pas vers l’expropriation. Sur ce point encore, les métayers cédèrent, obéissant aux injonctions menaçantes de la Fédération Provinciale des braccianti.

Ils devaient se montrer moins dociles à une autre prétention de leurs terribles alliés : celle de constituer en monopole, au profit des syndicats, l’exercice des machines agricoles. Depuis quelques années, les métayers employaient sur leurs terres des machines qu’ils avaient achetées en commun, pour échapper aux doubles exigences des industriels qui les leur louaient et des ouvriers chargés de les manœuvrer : les propriétaires, loin de s’opposer à cette initiative, l’avaient souvent encouragée. Lors du compromis de 1907, les braccianti, contens d’avoir obtenu l’abolition du scambio delle opere, reconnurent aux