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chaque colon un certain nombre de corvées, là quelques prestations en œufs, beurre, ou volaille. Le propriétaire vénitien ou romagnol considère son métayer, sinon comme un égal, du moins comme un associé ; le propriétaire de Basse-Lombardie traite le sien en domestique et parfois, dit-on, en serf de la glèbe. Mais, à quelques exceptions près, les relations entre propriétaires et mezzadri étaient empreintes, jusqu’à ces dernières années, de cordialité et de confiance réciproques. C’était encore, par certains côtés, un régime patriarcal. Dans les mauvaises années, le propriétaire ne manquait point de subvenir aux besoins de ses paysans, soit en augmentant leur part de fruits, soit en leur avançant quelque argent. Quand les récoltes étaient abondantes, c’était toujours au propriétaire que le mezzadro cédait la quantité de produits qui dépassait les besoins de sa consommation : une somme équivalant au prix de la vente était alors inscrite à son avoir ; le propriétaire la retenait en dépôt. On considérait en principe que chaque fonds devait subvenir complètement à l’entretien de la famille qui le cultivait ; l’exploitation était réglée en conséquence, chaque famille récoltant assez de grain et de fruits pour se nourrir, assez de chanvre pour se vêtir, et ainsi de suite. À l’approche de l’hiver, le tailleur et le cordonnier du bourg voisin faisaient le tour des campagnes : ils s’installaient pour quelques jours dans chaque métairie, confectionnant vêtemens et chaussures ; on les logeait, on les nourrissait, et on achevait de payer leur travail en nature. L’argent était fort rare dans les maisons de paysans, mais il n’y était pas indispensable. Consommant la plus grande partie des produits qu’il récoltait, le mezzadro ne se ressentait guère de la variation des prix ; toutes les forces de la famille, même les plus petites, trouvaient sur le fonds un emploi utile. Enfin une proportion constante était maintenue entre la richesse du sol et la densité de la population paysanne.

Les difficultés commencèrent avec les premiers changemens introduits dans l’agriculture. Elles ne se firent point sentir partout également. En Toscane, les propriétaires ont pu sans trop de peine conserver intactes les anciennes formes d’exploitation ; il n’en fut pas de même dans d’autres provinces, où l’adoption rapide des nouvelles méthodes de culture eut pour conséquence une modification brusque et profonde des conditions économiques et sociales. Les propriétaires romagnols,