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avec insistance les mots de conciliation et d’apaisement, il a donné à notre état politique une physionomie nouvelle, il a créé une atmosphère plus saine. Nous souhaitons sincèrement qu’il soit aussi bien inspiré dans la solution de problèmes nouveaux.


Il est trop tôt pour parler des élections anglaises, puisqu’elles ne sont pas encore terminées ; il est pourtant impossible de n’en rien dire, d’autant plus qu’elles sont assez avancées pour qu’on puisse en pressentir le résultat probable. Ce résultat sera négatif, en ce sens qu’il ne changera pas la situation antérieure et que le gouvernement, qui a imposé au pays cette épreuve nouvelle, n’aura résolu, au moins par la seule consultation nationale, aucune des difficultés avec lesquelles il était aux prises. Il espérait mieux évidemment, sans quoi la résolution d’en appeler au pays ne s’expliquerait pas de sa part. D’un côté comme de l’autre, on était disposé à se contenter d’avantages modestes. Si les libéraux avaient gagné une quinzaine de sièges, ils auraient crié victoire : il en aurait été de même des unionistes en pareil cas. Mais, après quelques oscillations d’ailleurs très faibles qui l’ont fait pencher dans le sens conservateur, l’aiguille s’est redressée et elle marque, pour les deux partis, exactement le même point qu’avant les élections. Quelle conséquence faut-il en tirer ? Si on avait affaire à l’Angleterre d’autrefois, il serait facile de le dire ; avec celle d’aujourd’hui, tout est incertain. On aurait dit autrefois que, puisque le pays s’était obstiné à deux reprises consécutives à ne donner un véritable avantage ni à l’un, ni à l’autre parti, il voulait une transaction entre eux. C’est la conclusion du bon sens ; sera-ce celle des partis ? Du parti conservateur, oui sans doute, puisqu’il a offert déjà un projet transactionnel très sérieux ; mais que décidera le parti libéral ? Bien qu’affaibli moralement, encore plus que matériellement, soit par la déception d’une campagne électorale sans résultats, soit par les divisions de l’Irlande, où l’influence de M. O’Brien augmente et où celle de M. Redmond diminue, il conserve la majorité. Est-elle assez forte pour lui permettre de briser la résistance de la Chambre des Lords ? La question est là : les scrutins qui se succèdent ne semblent pas devoir la résoudre.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.