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les otages, aurait indiqué où se trouvait Blanqui et permis à sa famille de communiquer avec lui. » Ce fait est contredit par la démarche de la veuve Antoine, née Blanqui, qui était restée sans résultats. Flotte retourna auprès de Mgr Darboy et accepta de porter à M. Thiers une nouvelle lettre de lui et une autre lettre de M. Deguerry. L’archevêque informait alors le chef du pouvoir exécutif que le ministre des Etats-Unis, le Nonce et le délégué du maire de Londres allaient lui soumettre de nouveau le projet d’échange. « Comme ma vie est en jeu, disait Mgr Darboy, je crois convenable de ne pas plaider la cause… Je vous demande seulement de prendre en considération la lettre de M. Deguerry et d’entendre M. Flotte. » L’archevêque reconnaissait qu’on pouvait discuter les opinions de cet intermédiaire, mais que sa droiture et sa bonne volonté ne faisaient pas de doutes. Le curé de la Madeleine priait aussi M. Thiers de reprendre les négociations. « Vous n’ignorez pas, disait-il, ce que la religion en ce moment souffre ici, dans la personne de ses prêtres. Vous n’ignorez pas que la tête de Monseigneur a été demandée avec acclamation dans plusieurs clubs ; que celle de chacun des prêtres détenus avec lui n’est pas plus en sûreté ; qu’une émeute, facile à exciter par des méchans, peut, en se précipitant sur les prisons, y commettre des horreurs. Eh bien ! en acceptant ce que l’on sollicite de votre plein pouvoir, vous pouvez prévenir ces malheurs et faire cesser les autres[1]. »

Flotte avait vu aussi à Mazas un autre détenu, l’abbé Bazin, qui, sur ses sollicitations, lui avait remis une lettre pour M. de Foucaud, député de Bretagne et une autre pour M. Vitet » membre de la Commission des Quinze et vice-président de l’Assemblée, en priant ceux-ci de soutenir la proposition d’échange. J’ai lu dans les Souvenirs de M. de Vinols, député du Puy-de-Dôme, à l’Assemblée, qu’il a su par son collègue Foucaud que M. Bazin l’avait prié de faire cette démarche, mais en le suppliant de ne pas le comprendre dans l’échange, car il espérait bien avoir le courage de mourir pour son Dieu. M. de Foucaud, qui avait vu M. Thiers, dit à M. de Vinols : « M. Thiers a refusé[2]. »

  1. Cf. Blanqui et les otages, par B. Flotte, 1885, in-8. Imprimerie Jeannette, Paris. — Après la Commune, Flotte, qui s’était recommandé à la protection de l’abbé Lagarde, partit pour l’Amérique, puis revint plus tard en France et mourut dans le Var où il était né.
  2. L’abbé Bazin échappa à la mort grâce à la résistance des soldats, ses compagnons de geôle, qui firent une barricade à la Roquette et donnèrent aux troupes de Versailles le temps d’arriver à leur secours.