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autres encore, dont chacune mériterait une étude moins superficielle que le rapide résumé qui peut en être donné à cette place.

D’abord le Mont-Saint-Michel, ville et château, abbaye et cathédrale, île-forteresse où l’entassement des maisons accrochées au roc trouvèrent un aussi sûr abri sous la tour de l’Église que derrière les contreforts de l’Avancée, invulnérable vaisseau aux flancs duquel vinrent se briser les invasions normandes comme s’y brisent les lames lointaines, navire symbolique que le flux et le reflux semblent faire voguer sur l’Océan, tandis que la majesté de sa nef légère et de son mât où veille l’Archange se perd dans l’infini du ciel et des flots. C’est le Mont « au péril de la mer. » Endigué, il perd ce qui en fait un type unique, sa majesté solitaire et hautaine, sa gloire de triompher des élémens et du temps dans son fier isolement maritime où il garde le trésor de l’esprit chevaleresque de notre race sous la protection de l’épée de saint Michel, qui montre à la France ses destinées.

« Durant la Guerre de Cent ans, le Mont-Saint-Michel est le boulevard de la France envahie contre l’Angleterre. Du Guesclin, qui commanda la capitainerie de Pontorson et du Mont-Saint-Michel à la fin du XIVe siècle, y cherchera un appui et un refuge. Enfin, dans les forêts de la Lorraine, à l’ombre du hêtre des fées, l’image de l’Archange resplendissant apparue à la bergère voyante réveillera la patrie française par le cœur de Jeanne d’Arc[1]. »

Comme le Mont fut à l’Ouest, le rempart de la Normandie, à l’Est, en Lorraine, le pays de Vaucouleurs deviendra à son tour le boulevard de la France contre les Anglais et les Bourguignons, la marche prédestinée où se reformera l’unité française.

L’histoire du Mont-Saint-Michel depuis l’époque du dieu solaire Tom Belen, les âges celtiques, la fondation de l’abbaye par saint Aubert au VIIe siècle, son rôle du VIIIe au XVe siècle, si considérable dans les fastes de la France, plus d’une fois décrits depuis dom Jean Huynes, ont éveillé la curiosité des érudits et des artistes. M. Paul Goût, successeur et continuateur de Corroyer, les deux grands architectes, à qui l’on doit la restauration du monument qui évêque puissamment les anciennes gloires nationales, nous en donne à son tour une monographie détaillée, une étude archéologique et synthétique, abondamment illustrée de gravures dans le texte, de planches hors texte, de reproductions d’aquarelles, de cartes et de plans, à la fois amusante et instructive. Ce qui manquait jusqu’ici sur cet ensemble

  1. Edouard Schuré, Revue du 1er août 1890.