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à Paris. Ne perds pas une minute. Viens de suite. Blanqui, qui nous serait si nécessaire, a été arrêté le 17. Cette arrestation est un malheur pour la Commune. » Et le 6 avril, Tridon vint proposer à ses collègues l’échange en question. C’est sur l’offre même de Raoul Rigault, qui voulait le retour de Blanqui retenu « entre les grilles des coquins de Versailles, » que Flotte vit Mgr Darboy et négocia avec lui. L’archevêque avait proposé l’envoi de l’abbé Deguerry à Versailles. Raoul Rigault, qui tenait à garder sous sa main le curé de la Madeleine, préféra l’abbé Lagarde, lequel promit à Flotte, sur sa demande, de revenir, « dût-il être fusillé ! »

De la seconde lettre que M. Thiers écrivit à l’archevêque, je puis, d’après les Souvenirs de Jules Simon, donner cet important passage : « . Accepter cette offre (c’est-à-dire l’échange), ne serait-ce pas consacrer et étendre l’abominable système des otages et permettre aux hommes qui dominent dans Paris, de multiplier les arrestations pour contraindre le gouvernement à opérer de nouveaux échanges ?… Je suis donc, Monseigneur, sans droit et sans pouvoir pour opérer l’échange que vous proposez et auquel une Commission de l’Assemblée a jugé à l’unanimité que le gouvernement devait se refuser. Dans cette pénible position, j’ai du moins la confiance que les hommes qui ont osé vous arrêter, ne seront pas » assez pervers pour pousser leurs violences plus loin… »

Si rompu que fût M. Thiers à la connaissance des hommes et de leurs passions, il ignorait, hélas ! encore jusqu’où pouvaient aller les hommes de la Commune. M. Jules Simon et ses collègues étaient dans la même ignorance ou les mêmes illusions. Mais quand même ils eussent été plus éclairés, ils ne pouvaient ni se fier à l’insurrection, ni traiter avec elle.

Lorsque M. Thiers eut confirmé à M. Lagarde la décision unanime de la Commission des Quinze et du Conseil des ministres, l’abbé dit avec une grande douleur : « Je n’ai plus qu’à me confier à la Providence et à reprendre le chemin de Paris avec la réponse que vous voudrez bien me donner. » M. Thiers, aussi ému que lui, répondit : « Veuillez attendre encore deux jours. — Mais il m’est très difficile de communiquer avec Monseigneur et je lui ai promis de rapporter une réponse le plus tôt possible. — Revenez lundi. »