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votre sagesse et votre humanité jugeront la plus convenable.

« Un homme influent (c’était M. Benjamin Flotte), très lié avec M. Blanqui par certaines idées politiques et surtout par le sentiment d’une vieille amitié, s’occupe activement de faire qu’il soit mis en liberté. Dans cette vue, il a proposé lui-même, aux commissaires que cela concerne, cet arrangement : Si M. Blanqui est mis en liberté, l’archevêque de Paris sera rendu à la liberté avec sa sœur, M. le président Bonjean, M. Deguerry, curé de la Madeleine et M. Lagarde vicaire général, celui-là qui vous remettra cette lettre. La proposition a été agréée et c’est en cet état qu’on me demande de l’appuyer auprès de vous.

« Quoique je sois en jeu dans cette affaire, j’ose la recommander à votre haute bienveillance ; mes motifs vous paraîtront plausibles, je l’espère. Il n’y a que trop de causes de dissentimens et d’aigreur parmi nous. Puisqu’une occasion se présente de faire une transaction qui, du reste, ne regarde que les personnes et non les principes, ne serait-il pas sage de lui donner les mains et de contribuer ainsi à l’apaisement des esprits ? L’opinion ne comprendrait peut-être pas un tel refus. Dans les crises aiguës comme celles que nous traversons, des représailles, des exécutions par l’émeute, quand elles ne toucheraient que deux ou trois personnes, ajoutent à la terreur des uns, à la colère des autres et aggravent encore la situation. Permettez-moi de vous dire, sans autre détails, que cette question d’humanité mérite de fixer toute votre attention dans l’état présent des choses à Paris.

« Oserais-je, monsieur le Président, vous avouer une dernière raison ? Touché du zèle que la personne dont je parle déployait avec une amitié si vraie en faveur de M. Blanqui, mon cœur d’homme et de prêtre n’a pas su résister à ses sollicitations émues et j’ai pris l’engagement de vous demander l’élargissement de M. Blanqui le plus promptement possible. C’est ce que je viens de faire.

« Je serais heureux, monsieur le Président, que ce que je sollicite ne vous parût point impossible. J’aurais rendu service à plusieurs personnes et même à mon pays tout entier[1]. »

  1. Voir cette lettre et diverses autres relatives à l’échange de Blanqui dans le n" du 27 avril 1871 du Journal officiel de la République française (journal de la Commune), page 266, dans une Variété intitulée : Une page d’histoire, et signée Maxime Vuillaume.