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âme ; jamais physionomie n’a mieux exprimé un caractère. Ce n’était pas un imaginatif ni un passionné, nul n’était moins compliqué. C’était un simple, un modeste, un résolu, un soumis. En toute circonstance, il voyait promptement son devoir, parce qu’il le cherchait par la voie droite ; il l’accomplissait jusqu’au bout, l’entreprenant sans arrière-pensée, et comme il n’attendait rien au-delà, il obéissait sans hésitation, sinon sans effort, aux hommes quand ils avaient autorité sur lui, aux événemens, quand ils étaient plus forts que sa volonté[1]. » On le réputait le premier manœuvrier de l’armée pour disposer une troupe, là faire mouvoir, l’arrêter, la lancer, multiplier par une tactique expérimentée les forces dont il pouvait disposer. D’un calme imperturbable au milieu de l’action la plus vive, il conservait la sûreté du coup d’œil, le jugement droit, et sa prudence n’enlevait rien à son audace.

Frossard, sorti de l’Ecole polytechnique, puis de l’Ecole d’application de Metz, appartenait à l’arme du génie. Après avoir assisté au siège d’Anvers, servi en Afrique, il avait été attaché au dépôt des fortifications, officier d’ordonnance de Louis-Philippe. En 1849, on le retrouve au siège de Rome, puis à l’École polytechnique pendant deux ans, comme commandant en second. Il sort de l’ombre pendant l’expédition de Crimée. En qualité de colonel du génie, attaché au 2e corps sous les ordres du général Bosquet, il dirigea les travaux qui entraînèrent la prise de Malakoff. « Il a une ardeur extrême, écrivait le général Niel, et répand le feu sacré sur ceux qui l’entourent. » (21 juillet 1855.) Son intrépidité était bouillante, opiniâtre, téméraire, ne tenant nul compte de l’obstacle. Après la Crimée, il fit partie de la mission militaire envoyée au couronnement de l’empereur Alexandre, devint membre du comité des fortifications, commandant supérieur du génie en Algérie, général de division (1858). Pendant la campagne d’Italie (1859), il avait commandé avec supériorité le génie, ce qui l’avait fait grand-officier de la Légion d’honneur, et aide de camp de l’Empereur. Enfin, sur le désir de l’Impératrice, il avait été nommé gouverneur du prince impérial (1867). Devenu président du comité des fortifications, on lui donna en 1870 le commandement du camp de Châlons pour initier le prince impérial aux opérations d’un siège. Il

  1. Albert de Mun, préface de la Vie du général de Ladmirault, p. 2, de La Faye.