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auront rendu service. Ils ont été les créateurs du gouvernement parlementaire ; ils en ont fourni au monde les premiers modèles, qui sont aujourd’hui plus ou moins imités et reproduits partout. Pourquoi, puisque le gouvernement parlementaire est, en certains pays, en train de devenir celui d’une seule Chambre, ne lui donneraient-ils pas un contrepoids en dehors du Parlement ? Il serait digne d’eux d’être encore ici des initiateurs et des inventeurs.

Tels sont, dans leurs grandes lignes, les projets de réforme de lord Rosebery et de lord Lansdowne. Ils ont été l’objet d’une discussion rapide, sommaire, mais intéressante, et, comme il fallait s’y attendre, la Chambre haute les a votés ; mais ce à quoi on s’attendait moins, c’est à l’attitude de plusieurs lords libéraux qui n’ont pas hésité, cette fois, à se prononcer contre le gouvernement qu’ils avaient jusqu’ici défendu. On a remarqué notamment l’opposition de lord Weardale, créé lord par le Cabinet actuel (il était bien connu précédemment sous le nom de sir Philippe Stanhope), radical à tendances socialistes, ancien gladstonien, home ruler et pacifiste, d’ailleurs homme de talent et d’esprit, qui n’a pas pu se retenir de protester. Il en a été de même des archevêques d’York et de Cantorbery. Ce dernier, le très révérend Randall Dadvison, qui n’avait pas pris parti au sujet du budget et avait toujours entretenu les meilleures relations avec le ministère, s’est exprimé ainsi : « En cet âge démocratique, la démocratie doit prendre ses responsabilités. Mais on oublie trop qu’avant tout, ce qui importe aux classes les plus pauvres, c’est la qualité du gouvernement, car c’est elles que les mauvaises lois finissent toujours par atteindre. L’un des devoirs les plus importans du Parlement est de discuter en public les grandes questions sur lesquelles, par la suite, le peuple votera, afin qu’elles deviennent claires et compréhensibles. Or la semaine dernière, quand le Parlement s’est réuni, nous avons été terrifiés d’apprendre que la dissolution allait immédiatement se produire. Il eût été lamentable que les chefs de l’opposition n’eussent pas pu définir leur altitude à l’égard du projet gouvernemental. Les résolutions du marquis de Lansdowne ont été décriées. Oublieux de lui-même et de ses fonctions, le premier ministre s’est abaissé jusqu’à parler du repentir du condamné à mort. Avant-hier, dans l’Est de Londres, un orateur (M. Lloyd George) a rappelé à ses auditeurs le cri de guerre poussé à la bataille de Nottingham, au début de la guerre civile, et il a ajouté : « Vous savez comment cette guerre a fini ! » Oui, nous le savons : la guerre civile n’a pas fini à Whitehall avec Charles Ier, mais bien dans la réaction des derniers Stuarts, dans