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aucun bruit ne transpirait ; on savait seulement que quelques hommes de bonne volonté se réunissaient à intervalles réguliers pour trouver, entre les vues du gouvernement et celles de l’opposition, une transaction raisonnable, et les transactions de ce genre sont si conformes au génie politique de l’Angleterre qu’on avait confiance dans le résultat. Cette confiance a été subitement dissipée. Au moment où le Parlement s’est réuni, la Commission des Huit s’est avouée impuissante et M. Asquith a déclaré lui-même, avec une grande crudité d’expressions, que l’état de guerre était rétabli entre les conservateurs et les libéraux. La situation se retrouvait la même qu’au mois d’avril ; les élections apparaissaient de nouveau comme inévitables, et le gouvernement manifestait l’intention de les faire tout de suite, en quelque sorte, par surprise, sans même prendre le temps de soumettre à la Chambre, des Lords le Parliament bill, c’est-à-dire le projet voté par la Chambre des Communes pour régler les rapports des deux assemblées. Rappelons ici que le Parliament bill avait pour objet, non pas de réformer la, Chambre des Lords, mais de lui enlever tout pouvoir effectif dans le fonctionnement de la Constitution. On peut en effet le résumer en quelques mots : il enlève à la Chambre des Lords tout droit d’amendement ou de veto, en matière financière et ne lui accorde qu’un veto suspensif en matière législative, de sorte qu’après deux ou trois votes successifs par la Chambre des Communes, un projet deviendrait loi en quelque sorte mécaniquement. En fait, la conséquence du Parliament bill serait pour l’Angleterre le régime d’une Chambre unique ; la Chambre des Communes serait tout, et la Chambre des Lords ne serait plus qu’un décor.

C’était, de la part du gouvernement, une singulière prétention que celle de procéder, à des élections immédiates, en dehors de toute discussion préalable qui aurait éclairé le pays sur les dispositions réelles des deux partis. Le pays savait bien ce que voulaient les Communes et le ministère, il connaissait le Parliament bill ; mais il ne savait rien des concessions que la Chambre des Lords était disposée à faire pour mettre son organisation en rapport avec les besoins politiques nouveaux qui venaient de se manifester. Il avait été convenu que les travaux de la Commission des Huit resteraient strictement secrets, et ils l’étaient restés, On comprend qu’il en ait été ainsi pendant que ces travaux se poursuivaient ; la moindre indiscrétion aurait pu y apporter une gêne et un trouble dont il était prudent de les préserver ; mais, une fois ces travaux terminés, une fois l’échec survenu et reconnu, le silence cessait de s’expliquer. L’Angleterre a un gouvernement parlementaire,