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de la comédie parisienne qui est le paradis de la veulerie, M. Capus est donc arrivé à une forme de théâtre où il s’en faut que tout le monde soit vertueux, mais où la préférence va aux êtres vaillans et bons plutôt qu’aux pervers et aux déliquescens. Aujourd’hui, cela se remarque. On ne me prêtera pas, du moins je l’espère, le dessein saugrenu d’avoir voulu le travestir en professeur d’énergie. L’emploi est abondamment tenu, et il n’y a pas lieu d’en inquiéter les titulaires. Aussi bien j’y aurais perdu ma peine. Il n’y a chez M. Capus rien de dogmatique, de pédantesque et d’offensant. Jamais une insistance qui serait une faute de goût. L’auteur dramatique qui, en donnant au boulevard quelques-unes de ses pièces les mieux accueillies, a trouvé le moyen de ne jamais verser dans la grossièreté, a fourni une belle preuve de sa légèreté de main. Tout est en nuances, et l’ironie qu’on devine partout flottante est comme un voile à travers lequel les couleurs s’atténuent et les contours s’adoucissent.

Si j’avais eu à étudier ce théâtre, du point de vue qui est particulièrement celui du théâtre, j’aurais aimé à faire ressortir la simplicité des moyens qui y sont employés. Mais c’est de littérature, cette fois, qu’il s’agissait. J’ai donc essayé de noter au passage, là où je les ai rencontrées, l’observation avisée, la fine ironie, une sentimentalité délicate, une sagesse avertie et souriante. A mon avis, le meilleur de l’œuvre de M. Capus est dans ces comédies qu’il a données depuis dix ans, depuis le jour où il s’est résolu à être moins parisien pour devenir plus humain : la Châtelaine, l’Adversaire, Notre Jeunesse, les Deux hommes, l’Aventurier. Ce genre de comédies simples, aimables et fortes est bien à lui. Il porte sa marque, celle d’un optimiste qui n’ignore rien des laideurs du monde, ni des tristesses de la vie, et d’un théoricien de la chance persuadé que « tout homme un peu bien doué… a dans la vie son heure de veine… celle que le travail, le courage et la patience lui donnent. »


RENE DOUMIC.