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directeur de l’Assistance publique, fit voter par le Conseil municipal de Paris l’acquisition d’un immeuble, rue Jean-Jacques Rousseau, où devait être provisoirement établie, en attendant la construction d’un édifice spécialement approprié à cet usage, la Bourse du Travail de Paris, première Bourse du Travail de France en date et en importance. Deux mois après, M. Mesurenr, en qualité de délégué du Conseil municipal, inaugurait cet établissement et lui traçait ce programme : « La Bourse du Travail mettra à la disposition de tous, sous une forme simple et pratique, les offres et les demandes de travail et les documens relatifs à la statistique du travail ; elle donnera à cette statistique une publicité large et régulière ; en un mot, elle contiendra tous les organes nécessaires à son but ; si, pour le fonctionnement de tous ses services, des employés lui sont nécessaires, la Ville les lui donnera sans qu’il puisse jamais résulter de leur présence une direction et une tutelle administrative. » Ainsi cette Bourse, création de la Ville, subventionnée sous divers modes par elle, naissait avec une destination toute spéciale et toute technique. L’exemple de Paris était suivi et, peu à peu, nombre de villes de province, à l’imitation de la capitale, constituaient, avec l’aide des deniers publics, des Bourses du Travail.

Ainsi rapidement, en quelques années après la loi de 1884, avaient éclos les syndicats ouvriers, les Bourses du Travail, la Confédération générale du Travail.

Comment ces organes qui, dans la pensée du législateur les ayant, soit explicitement, soit implicitement, dit-on, pour la dernière, autorisés, devaient être des instrumens de progrès matériel, moral et intellectuel, se sont-ils transformés en des moyens de discorde et de destruction sociale ?


III

Le nombre des syndicats de toute nature, immédiatement après la loi du 21 mars 1884, s’est considérablement et constamment développé. Dix ans après cette loi, en 1894, on en comptait près de 5 000 (exactement 4 965), dont 1 518 syndicats de patrons, 2 178 syndicats d’ouvriers, seulement 177 syndicats mixtes, et 1 092 syndicats agricoles qui ont un caractère spécial et sont des sortes de sociétés coopératives. Le progrès