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ci-dessus « auront été commis par suite d’un plan concerté. » On sait que ces articles, dans les mois de septembre et d’octobre dernier, alors que la magistrature, sortant de son indifférence et de son inertie, se mettait à réprimer les excès des grèves, ont donné lieu à des jugemens ou à des arrêts en sens contraire. Les procureurs de la République poursuivirent nombre de grévistes qui insultaient grossièrement des non-grévistes, mais tandis que certains tribunaux condamnaient, d’autres, à Rouen et à Paris, acquittaient, les injures, si grossières fussent-elles, ne leur paraissant pas avoir le caractère de « violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, » seuls actes énoncés comme délictueux dans les articles 414 et 415. Des feuilles gouvernementales s’indignaient parfois de cette mollesse des magistrats, alors que ces feuilles avaient jadis applaudi, ainsi que M. Waldeck-Rousseau lui-même, à la suppression de l’article 416. Le dernier ministère, où M. Barthou était garde des Sceaux et M. Viviani, ministre du Travail, trouvant, sans doute, que la société n’était pas encore assez désarmée et que les non-grévistes étaient encore trop protégés, ont déposé, au nom du gouvernement, un projet de loi pour abroger les articles 414 et 415 du Code pénal ; la Chambre, plutôt faute de temps que par opposition à ces tendances anarchiques, n’a pas jusqu’ici statué sur ce projet de loi ; après les événemens récens, on peut penser que, pour un certain temps du moins, il a perdu toute chance d’être voté ; mais comment qualifier l’aberration d’un gouvernement qui a soumis à la Chambre un projet de loi de ce genre ?


II

Quand fut proposée et vint en discussion la loi de 1884 sur les syndicats, il s’en fallait que l’universalité de l’opinion lui fût favorable. M. Barthou, qui restera l’un des ministres dont les déclarations à la tribune offrent le plus d’intérêt, en un discours qu’il fit au Sénat, comme ministre des Travaux publics le 5 juin 1908, en faveur du rachat par l’Etat du réseau des chemins de fer de la Compagnie de l’Ouest, s’exprimait ainsi :


Il ne faut pas exagérer dans ce débat l’autorité des Chambres de commerce.

N’ai-je pas le droit de dire qu’il ne s’est jamais produit une réforme de